Impossible de trouver contraste plus amusant que celui entre les spectacles d'Eric Burdon et Ben Sidran, hier soir. Sidran, l'Américain, qui s'amuse à déconstruire les chansons de Bob Dylan pour mieux les refaire à sa manière jazzée au Club Soda. Et Burdon, le petit punk pourri d'antan -c'est lui qui le dit!- qui, au contraire, ne demande pas mieux que de replonger ses fans aux cheveux gris dans les années 60.

Sidran est un monsieur spirituel à la langue bien pendue qui nous explique sa démarche et ce que les chansons de Dylan, plus que l'artiste lui-même - «Dylan est son oeuvre», nous a-t-il répété hier - ont signifié dans sa vie. Plus la chanson de Dylan est un monument, plus Sidran et ses trois musiciens la transforment, quitte à la rendre méconnaissable. Ce que Dylan fait souvent lui aussi, mais au moins avec Sidran, on comprend les mots. Sa Like a Rolling Stone, l'unique rappel, était rhythm and blues, et l'hymne The Times They Are a-Changin' empruntait au rockabilly et à Fats Domino.

Sidran est aussi un formidable conteur. On n'oubliera pas de sitôt son long monologue, très drôle, en guise d'introduction à Highway 61 Revisited, où un recalé de la crise économique reprend le chemin qu'ont emprunté Dylan et Sidran pour aboutir à Clarksdale, Mississippi, et y faire, des décennies après Robert Johnson, un pacte avec le diable trempé dans le blues.

Sidran nous donne un petit cours d'histoire, de musique et de sociologie, cite Miles Davis ou l'architecte Mies van der Rohe, ça coule et on sourit. Comme coule sa musique jazzée qui respire encore mieux que sur l'album Dylan Different. Le swing que Sidran admire tant dans les mots de Dylan est omniprésent dans sa musique.

Eric Burdon

Je suis arrivé au Métropolis juste à temps pour voir Eric Burdon chanter la bien choisie When I Was Young. «Nous avions James Brown, Elvis Presley, Jimmy Dean», a improvisé le chanteur des Animals un peu comme il citait Hugh Masekela, Jimi Hendrix ou le Grateful Dead quand il chantait Monterey dans les années 60.

L'Eric Burdon que nous avions tous hâte de revoir était tel qu'on l'espérait. Au début, son enthousiasme compensait pour ses lacunes vocales quand il a enchaîné avec Don't Bring Me Down, une version à saveur reggae de Don't Let Me Be Misunderstood, et San Franciscan Night, jolie même s'il n'est plus capable de la chanter aussi bas qu'avant. Puis il a plongé dans des standards de blues et en est ressorti suffisamment énergisé pour nous livrer une version pétante de santé de Boom Boom de John Lee Hooker que les Animals ont faite leur à l'époque. Suivie de It's My Life, hymne punk avant l'heure, que Burdon a chanté avec son public, le poing en l'air.

J'ai dû partir quand il s'attaquait à un autre standard qu'il s'est approprié, The House of the Rising Sun, en regrettant de rater Sky Pilot. Qu'il n'a finalement pas faite, le coquin!