Originaire de Sardaigne, le trompettiste et bugliste Paolo Fresu habite la région de Bologne. Les jazzophiles montréalais le connaissent bien et l'apprécient d'autant plus, puisqu'il est venu aux côtés de Gianmaria Testa, Enrico Rava, Jon Hassel et autres contextes fort différents les uns des autres.

Fresu a marqué le Festival international de jazz à tel point que sa direction artistique lui a consacré trois soirées consécutives dans le cadre de la prestigieuse série Invitation.

«Je viens à Montréal dans le cadre de soirées très différentes... comme d'habitude!» amorce le musicien sarde, dont le ton élégant et posé n'est pas sans rappeler le jeu suave.

Sans se faire prier, il se prête au jeu de la présentation de son triptyque de musique improvisée, présenté à compter d'aujourd'hui au Gesù.

Le premier consiste en un duo avec le pianiste cubain Omar Sosa, un autre habitué des scènes montréalaises.

«Ce musicien est un volcan! En juillet 2009, ce duo avec Omar Sosa a tourné en Italie, en 2009. C'est complètement autre chose que le duo prévu le soir suivant, soit avec Ralph Towner. Dans la musique avec Ralph, il y a beaucoup d'espace, beaucoup de silence alors qu'avec Omar, l'espace est investi d'une musique très rythmique, presque tribale. Omar est un pianiste solaire, un peu mystique, toujours plein de surprises. Avec lui, c'est aussi la rencontre de musiques traditionnelles, de Sardaigne et de Cuba, bien que nous utilisions beaucoup d'éléments électroniques. Moi avec mes effets, Omar avec des programmes et des séquences numérisées dans son ordinateur portable.

«Ainsi les concerts de ces duos se suivent et ne se ressemblent pas. Bon il y a des thèmes préétablis, mais ce sont des prétextes pour improviser, pour aller vers une musique sous l'idée de la sonorité et du rythme. D'autant plus que la relation humaine entre nous me semble très belle. Le répertoire de ce duo ne cesse donc d'évoluer. À tel point que le duo se transformera en trio à compter de la mi-juillet, soit avec le percussionniste Trilok Gurtu.»

Le second soir (samedi) de la série Invitation a pour programme la matière de Chiaroscuro, un album créé de concert avec le guitariste américain Ralph Towner (étiquette ECM), que l'on apprécie depuis la grande époque du groupe Oregon, c'est-à-dire les années 70.

«Ralph habite Rome, d'ailleurs; il est marié à une femme de Palerme, il vit en Italie depuis quinze ans. Ensemble, nous avons tourné en Europe et sur la Côte Est des États-Unis. Le duo est donc parfaitement au point. Ce sera donc guitare et trompette, exactement comme le disque -Ralph est un très bon pianiste mais quand je pense à lui, je pense d'abord à la guitare.

«C'est un grand honneur pour moi qu'il m'ait proposé d'enregistrer cet album, car c'est un musicien que j'écoute depuis toujours. Ce fut vraiment un grand plaisir de partager cette expérience avec lui. Ça n'a pas été facile au début, il faut dire. Un duo guitare acoustique et trompette, ce n'est pas donné! Il fallait trouver la relation. On avait déjà fait quelques rencontres, dont un concert en Sardaigne où se mêlaient jazz et musiques traditionnelles. En studio, cependant, nous avons d'abord travaillé sans savoir quelle musique émergerait de cette collaboration. Nous avons trouvé notre histoire, et j'en suis très fier. C'est devenu un répertoire précis, avec des thèmes élaborés, bien que l'interprétation de cette musique ne cesse d'évoluer de soir en soir.»

Le concert dominical, dernier au programme de Paolo Fresu, fera la transition avec le second protagoniste de la série Invitation, le batteur Manu Katché auquel se joindra le trompettiste norvégien Nils Petter Molvaer -lui-même s'étant produit la veille avec son ensemble (Gesù 22h30) pour y présenter la matière de son nouvel album, Hamada.

«Nils est un ami et un musicien extraordinaire. Nous avons joué une seule fois ensemble, mais lorsqu'on ma proposé ce projet, j'ai accepté avec plaisir. Car c'est un trompettiste de grande qualité, c'est aussi un architecte de sonorités qui me plaisent beaucoup. Alors je ne peux pas vous dire ce qui se produira ce soir-là... puisqu'on n'en sait rien! On va se voir pendant le festival et créer le programme sur place, de concert avec Manu Katché. Deux trompettes, une batterie, de l'électronique. J'aime beaucoup ce type d'instrumentation fondée sur le risque. Je me souviens avoir participé à Montréal à une expérience comparable avec Jon Hassell et Dhafer Youssef. J'espère bien que ça va marcher!»

La conversation se terminera sur l'énonciation d'autres activités importantes de Paolo Fresu, ubiquiste devant l'Éternel.

«J'ai fondé mon propre label, Tuk Music, qui lancera d'abord un double CD de mon quintette italien. En fait, ce label existera surtout pour faire la promotion des jeunes musiciens italiens et européens. Nouvel épisode de ma vie créative! Aussi, sera bientôt lancé autre album sur ECM, Mystico Mediterraneo, auquel je participe avec le choeur polyphonique corse A Filetta et le bandonéoniste Daniele Bonaventura. On ne sait pas trop ce que c'est... jazz? Musique traditionnelle? Musique contemporaine?

«Aucun de mes projets principaux ne vient cet été à Montréal dites-vous? Non... J'ai trouvé plus séduisant cette idée de me retrouver dans des situations plus à risque. Pour mes autres ensembles (quintette, quartette, etc.), nous avons encore toute la vie devant nous pour revenir chez vous!»NOTE INFRA

Dans le cadre de la série Invitation Paolo Fresu se produit ce vendredi, 18h, Gesù, avec Omar Sosa; demain, avec Ralph Towner; dimanche avec Nils Petter Molvaer et Manu Katché.