Keith Kouna renoue avec son passé punk-rock dans Bonsoir shérif, son quatrième disque solo. Musique rude, propos social bien senti: il y projette avec hargne son exaspération devant l'état du monde.

Influence punk

Ceux qui ont découvert Keith Kouna avec Le voyage d'hiver, qui s'inspirait de Schubert, vont avoir un petit choc en écoutant Bonsoir shérif. «Comme ceux qui me connaissaient avant ont eu un choc avec Le voyage d'hiver. Les gens doivent commencer à être habitués: je vais où les projets m'appellent.» Celui-ci l'emmène du côté du punk franco des années 80 et 90 à la Bérurier Noir, ses «premières amours». «C'est une musique qui sied bien à mon propos social. J'aime la distorsion, le côté carré de cette musique.» Les textes sont à l'avenant, avec une propension marquée à la répétition. «C'est ce qui est ressorti pour pouvoir balancer un paquet de trucs sans devoir expliquer, juste marteler.»

Propos social

Les deux dernières années ont été riches en événements et en climat toxique, estime Keith Kouna. La crise des migrants, l'élection de Donald Trump, l'attentat à la mosquée de Québec... «C'était le temps d'aller là», croit Keith Kouna, qui se dit blasé du «je» d'un peu tout le monde. «Du mien aussi.» L'auteur-compositeur-interprète s'est toujours méfié du «terrain glissant» de la chanson sociale. « Le ton doit être juste, sinon on est vite caricatural. Je voulais quelque chose de hargneux mais de fédérateur aussi, de le fun à livrer en spectacle.»

Exprimer sa colère

Keith Kouna se dit «intoxiqué» à l'actualité. Pour nourrir sa colère, il va même jusqu'à fréquenter les sites d'extrême droite sur Facebook. «J'aime bien aller là, haïr le monde qui haït. De temps en temps, j'ai besoin d'être confronté à ça, parce qu'ils existent! Dans ce disque, j'ai retourné la balle vers ce que j'ai absorbé, je voulais renvoyer un peu de méchant.» S'il en a contre l'intolérance et le racisme, il s'en prend aussi au conformisme, à la passivité et à l'indifférence. «Dans la chanson Vaches, j'envoie chier pas mal tout le monde. Les bons citoyens, c'est un peu nous tous. Mon but n'est pas de réveiller les gens - ce serait prétentieux de dire ça -, mais la musique est ma manière d'exprimer ma colère.»

En marge

À 43 ans, Keith Kouna vit de son art depuis quatre ans, tout en restant dans la marge et sans faire de concessions. «Mes salles sont pleines et c'est ce qui me nourrit depuis 15 ans. Ça n'a jamais été le disque ou la radio. Tant qu'il y a du monde, que les gens sont contents d'être là, qu'ils slamment, qu'ils boivent et qu'ils ont chaud... J'ai toujours cru à ce que je faisais, mais s'il n'y avait pas eu de réponse, j'aurais probablement arrêté.» Un de ses modèles est Richard Desjardins - il a d'ailleurs participé au disque lui rendant hommage cette année. «J'ai toujours admiré son indépendance, son côté baveux, en marge, malgré son énorme succès. J'ai beaucoup admiré l'oeuvre et le bonhomme... Quand tu commences à écrire et que tu tombes sur Desjardins, tu fais: ah, OK, c'est ça l'écriture, faut que tu te forces dans la vie!»

Santé

Ce soir au Club Soda, Keith Kouna donne le coup d'envoi à Coup de coeur francophone, un festival qu'il aime bien. Quand il regarde la programmation, qui réunit des dizaines de chanteurs et groupes de tous les horizons, il est heureux de constater que le mauvais état de l'industrie de la musique au Québec ne freine pas les ardeurs des créateurs. «C'est bien de ne pas s'arrêter aux difficultés. Ce serait dull que le monde arrête de faire de l'art parce qu'il n'est plus diffusé. C'est signe de bonne santé, j'imagine.»

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En concert ce soir au Club Soda dans le cadre de Coup de coeur francophone. Première partie: Mon doux Saigneur.

PUNK-ROCK. Bonsoir shérif. Keith Kouna. Duprince.

image fournie par Duprince

Bonsoir shérif