L'Auditorium (500 places assises) était bondé samedi pour le deuxième programme étiqueté Montréal du Printemps de Bourges: après les groupes anglos dans la petite salle 22 Est jeudi, c'était au tour d'Ariane Moffatt, Marie-Pierre Arthur et Salomé Leclerc de brasser la cabane. Ce qu'elles ont fait avec un naturel et un aplomb remarquables.

Salomé Leclerc était seule en scène avec sa guitare, son harmonica et sa grosse caisse - elle a commencé à faire de la musique en jouant de la batterie pour ses grands frères -, dégageant une énergie même dans ses chansons quasi méditatives qu'elle n'a pas hésité à glisser parmi celles plus rythmées. Quand elle a annoncé qu'elle fêtait son 27e anniversaire - «c'est mon année chanceuse» - le public français lui a chanté Happy Birthday. Après une petite demi-heure, elle a été longuement applaudie, suffisamment pour lui valoir un rappel dans un programme moins serré.

Par la suite, une Marie-Pierre Arthur en voix a fait l'effet d'une tornade rock avec ses quatre musiciens bien soudés. Le public français a mangé dans sa main: il a chanté, tapé des mains et s'est même dandiné sur place.

Ariane Moffatt, la plus connue des trois, a invité son auditoire français à l'accompagner dans les ambiances et les rythmes de son dernier album, le bilingue MA. Comme chez nous, elle a emprunté Running Up That Hill à Kate Bush - «une chanson-phare dans ma vie», a-t-elle dit - et Imparfait à Daniel Bélanger, son mentor «que tout le monde devrait connaître ici». La jeune femme de 34 ans a mentionné qu'elle avait célébré son anniversaire la veille en Bretagne, mais elle a eu la bonne idée de dispenser la chorale des spectateurs de lui chanter Happy Birthday.

Une famille musicale

Ariane Moffatt était tout au haut de la liste des artistes montréalais invités à Bourges cette année. Pour elle, ce troisième concert d'une série de sept en Europe avait une importance particulière. À Bourges, nous a-t-elle dit avant le concert, elle se sent membre à part entière d'une famille musicale, et le Printemps a une incidence sur la programmation des festivals d'été en France: «Ça fait quand même huit ans que je développe en France, que je viens souvent; j'ai galéré et je suis contente d'enfin être programmée ici.»

Marie-Pierre Arthur attribue sa présence à Bourges et sa douzaine de concerts actuels en sol français au succès radio de sa chanson Si tu savais qui ne s'est pas traduit en ventes de disques: «Ils ne savent pas nécessairement qui je suis, mais la toune a beaucoup tourné ici.»

Les trois chanteuses sont endossées par des labels français et Marie-Pierre Arthur et Salomé Leclerc vont revenir chanter en Europe pas plus tard que cet été. La première donnera des concerts pendant trois semaines en juillet, dont un au prestigieux festival des Vieilles Charrues en Bretagne, tandis que la deuxième sera des trois FrancoFolies (Montréal, La Rochelle et Spa), avec ses musiciens Philippe Brault et Benoît Rocheleau, cette fois.

Ariane Moffatt, elle, s'éclipsera pendant un an: «Je poursuis ma tournée au Québec en mai et je passe à un autre appel. La venue des jumeaux c'est la plus belle réalisation et je veux être disponible à 100%.»

Aurores Montréal

D'ici là, elles ont toutes trois rendez-vous mardi au Divan du monde, à Paris, pour la soirée d'ouverture du tout premier festival Aurores Montréal, dont Ariane Moffatt est la marraine. Organisé par des mordus de chanson québécoise, ce festival de quatre jours mettra également en vedette Karim Ouellet, Bernard Adamus et Koriass ainsi que des artistes de France et de Suisse.

«Le Québec représente pour nous, Européens, une espèce d'eldorado, de dire Florent Bony, l'un des organisateurs d'Aurores Montréal. Très peu de scènes dans le monde arrivent aussi bien à allier les influences anglo-saxonnes avec un son et une expression en français. En France, la chanson française est une catégorie souvent considérée comme ringarde, un peu vieillotte et beaucoup d'artistes font le choix par défaut de s'exprimer en anglais. Nous, on avait envie de dire que chanter en français c'est pas quelque chose d'évident, mais c'est possible; qu'on peut très bien faire du rock, de l'électro et du hip-hop qui allume avec le français.»

Marie-Pierre Arthur a vite constaté cette fascination pour les artistes québécois de passage en France: «On me pose tout le temps la question pourquoi je chante en français. C'est drôle hein? La chanson française était peut-être ringarde, mais il y en a quelques-uns qui sont en train de changer ça, comme Albin de la Simone, avec son dernier album: c'est de la chanson française de luxe. Le vent va tourner, mais c'est clair qu'on les fascine: ils n'arrêtent pas de nous inviter!