L'auteur et historien Gilles Laporte, qui a lancé récemment Brève histoire des patriotes, chez Septentrion, sera invité d'honneur et participera à la table ronde «Montréal en histoire». Rencontre avec un passionné du XIXe siècle et de ses héros.

Vous avez beaucoup écrit sur l'histoire du Québec. Vous intéressez-vous aussi à Montréal?

Oui, car je vis ici depuis ma naissance. Un proverbe louisianais dit: «En Amérique du Nord, il n'y a que deux villes: New York et La Nouvelle-Orléans. Le reste, c'est Cleveland.» L'image est dure, mais pas entièrement fausse. Ce qui distingue avant tout Montréal des autres villes nord-américaines, c'est le fait français. C'est la seule grande ville d'une culture minoritaire. Cela amène toute une industrie des arts, de la culture et des communications. Notre exception francophone s'abreuve dans une production culturelle d'ici. C'est surtout cela qui m'intéresse de Montréal.

Quels livres d'auteurs québécois vous ont marqué?

Je dévore les essais québécois, pas un seul ne m'échappe. En fiction, je préfère ce qui précède la Révolution tranquille. Mais j'ai beaucoup aimé La rage, de Louis Hamelin. Il a un regard sociologique dans son écriture qui me plaît. Un autre livre que j'adore c'est La légende d'un peuple, de Louis-Honoré Fréchette (1887). Le procédé peut paraître éculé - d'ailleurs imité de Victor Hugo dans Légendes des siècles -, mais l'idée de retracer toute l'histoire du Québec en 47 poèmes en vers comptés ne manque pas de lyrisme. J'avoue ainsi le plaisir coupable à voir «gloire» rimer avec «victoire», «aïeux» avec «glorieux» ou «France» avec «espérance». La poésie de Fréchette m'apparaît un pur acte de foi envers notre destin national.

Pourquoi avez-vous choisi l'histoire des patriotes pour votre dernier livre?

Cette période est un pivot dans l'histoire du Québec. Au milieu des années 1800, nous sommes passés du Québec traditionnel, villageois, aux coutumes archaïques, à un Québec plus moderne sur le plan économique et social et aussi sur le plan des mentalités, de la culture et de la politique. C'est une période charnière où la société se familiarise avec les idées républicaines, américaines et la philosophie des Lumières. C'est le premier âge d'or de la pensée et de la culture québécoises, d'une société démocratique qui s'initie aux débats d'idées et à la diffusion des journaux et des livres.

Quels personnages marquent cette période?

C'est une période de fortes têtes qui veulent s'élever au-dessus de leur condition. Comme Papineau, de Lorimier, Jean-Olivier Chénier. Des noms encore bien connus des Québécois. On voit naître une nouvelle élite de notaires, d'avocats, de médecins, mais aussi d'écrivains. Le premier roman québécois paraît en 1837, l'année de la Rébellion. C'est Le chercheur de trésors, aussi intitulé L'influence d'un livre, de Philippe Aubert de Gaspé fils. C'est aussi l'année du premier quotidien. Ces phénomènes culturels annonçant la modernité coïncident avec la Rébellion. Mais cette première «révolution tranquille» sera brutalement réprimée.

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Discussion sur l'enseignement de l'histoire, vendredi 14h30.