Parmi les témoins notoires de la mutation indienne en musique, on retient d'abord Zakir Hussain, sans qui ce reportage n'aurait jamais eu autant de matière. Ses contacts en Inde ont été précieux, inutile de l'ajouter. Lorsque le grand sitariste Ravi Shankar ne sera plus, le premier nom qui viendra à l'esprit lorsqu'on parlera musique classique indienne sera fort possiblement le suivant : le percussionniste Zakir Hussain, soit le plus réputé virtuose de tablà.

«On vit de très gros changements en Inde», soutient le musicien originaire de Mumbai (Bombay), fraîchement débarqué à son domicile californien après avoir tourné plusieurs semaines dans son pays natal. Le signe le plus important, à mon sens, est le suivant: Hollywood importe désormais Bollywood. Il y a 20 ans, l'Ouest exportait sa culture en Inde, le rapport s'est progressivement inversé. Aujourd'hui, acteurs, compositeurs et chanteurs indiens travaillent à l'Ouest, etc.»

Zakir Hussain cite en exemple A.R. Rahman et le duo Salim & Sulaiman, directeurs musicaux de Bollywood qui se retrouvent régulièrement sur des scènes occidentales, et ce même avec des orchestres symphoniques. «Les musiciens de l'Ouest travaillent avec nous. Je le fais depuis la fin des années 70 (dans le cadre du groupe Shakti avec John McLaughlin et mes compatriotes) et ça continue; je partagerai bientôt la scène avec Herbie Hancock et Carlos Santana.»

La contribution indienne aux musiques d'aujourd'hui est là pour rester, croit notre guide et interviewé.

«Nous n'avons jamais été aussi présents, renchérit-il. Le processus est enclenché une fois pour toutes, on ne parle pas ici d'une mode passagère et les choses changent très rapidement. C'est ce que vous devez découvrir là-bas, sans compter l'interaction entre les artistes indiens et le public nord-américain ou européen. Dès  le printemps, les musiciens les plus réputés sortent de l'Inde et se produisent en Europe comme aux États-Unis.»

Zakir Hussain fait état de cette nouvelle mouvance où pop de création et grandes traditions musicales indiennes rejaillissent désormais dans la culture planétaire. Au-delà de cette mouvance, toutes les catégories musicales observables en Occident trouvent preneurs en Inde. Dans les zones urbaines du pays, la culture rock a aussi ses adeptes.