Pour celles et ceux ayant loupé le festival Pop Montréal qui s'est conclu cette nuit, il n'est jamais trop tard pour découvrir ces artistes qui s'y sont produits. Voici six suggestions qui s'ajoutent aux autres déjà mentionnées avant le festival.

Alanis Obomsawin

Au Monument-National, vendredi dernier

Les Premières Nations n'ont peut-être pas toujours eu le soutien des grands esprits, du moins depuis l'arrivée des Occidentaux sur le continent nord-américain il y a un demi-millénaire... Alanis Obomsawin, elle, a pu compter sur leur soutien pour éveiller les consciences et les sensibilités. Force de la nature, cette Abénaquise de 86 ans peut encore offrir une performance remarquable. Solide, alerte, debout devant le public du Monument-National pendant plus d'une heure! Très élégante dans sa robe rouge (en hommage aux si nombreuses femmes autochtones violées ou assassinées), cette artiste magnifique a repris la matière de Bush Lady, album créé à la fin des années 80 réédité récemment chez Constellation. Flûtes traversières, violon, alto, tambour sur cadre, direction musicale de Radwan Ghazi Moumneh. Cinéaste de renom, sage parmi les sages, cette femme vénérable nous fera-t-elle l'honneur de remonter sur scène et d'incarner de nouveau la narratrice de Bush Lady? Au crépuscule de son existence, en tout cas, elle incarne l'aube d'une renaissance.

US Girls

Au Cinéma L'Amour, samedi dernier

D'origine américaine, la chanteuse torontoise Meghan Remy est à son zénith, c'est assurément ce qu'on a observé au chic Cinéma L'Amour samedi. Que le dernier album de son projet US Girls ait été à un cheveu de remporter le prix Polaris n'est vraiment pas une vue de l'esprit! In a Poem Illimited est un furieux mélange de disco, dance rock, glam rock, psychédélisme ou kitsch délirant et même jazz moderne. Wow! De neuf à onze artistes devant nous (incluant la chanteuse invitée Basia Bulat), tous des pros de haut niveau, tous de blanc vêtu pour faire lever ce super party. On aura également apprécié les films d'animation typiques des années 70, en phase parfaite avec ce cinéma porno qui a jadis vécu ses heures de gloire. Voilà exactement ce qu'on souhaite d'un répertoire transcendé sur scène, de surcroît sous la gouverne d'une authentique leader conceptuelle. Meghan Remy n'a peut-être pas la voix la plus suave qui soit, mais elle s'avère une artiste pop d'une grande maîtrise et d'une grande vision.

Sophie

À la SAT, jeudi dernier, présenté conjointement par Pop Montréal et Redbull Music

Pour le plus grand plaisir des festivaliers, la DJ et réalisatrice écossaise Sophie a adapté la matière de son récent opus, Oil of Every Pearl's Un-Insides, sous étiquette MSMSMSM/Future Classic/Transgressive, très haut coté par la plupart des médias de référence. Les basses étaient énormes, balancées sur le plancher de danse telles des grenades! Les rythmes technos qui s'ensuivirent ne laissaient pas présupposer les matériaux mélodiques inspirés de la soul pop et de l'électro hip-hop, imbriqués dans ces robustes charpentes. A priori, ces esthétiques ne sont pas concomitantes, mais Sophie a visiblement trouvé le moyen d'en bricoler quelque chose de cohérent. La tension entre la violence dominante de la facture (techno industrielle, dark ambient, nappes de distorion, etc.) et la douceur mélodique de certains chorus ou ornements compositionnels produit un effet pour le moins saisissant. Devant public, cette tension était exacerbée, et c'était très bien ainsi.

Tika

Au Piccolo Rialto, mercredi dernier

Artiste de la nouvelle scène soul/R&B, TiKA est une chanteuse de puissance, aussi DJ, productrice culturelle, animatrice télé en ligne, féministe, femme forte et opiniâtre. Cette Torontoise d'origine et Montréalaise d'adoption défie les stéréotypes! Inutile d'ajouter qu'elle a la force nécessaire pour déverrouiller les portes qui lui étaient fermées. Les grandes portes pourraient s'ouvrir pour cette battante ayant traversé des périodes difficiles, car elle offre des musiques incarnées et fédératrices, en plus de s'inscrire dans les tendances actualisées de la musique urbaine. Les mélodies et harmonies sont purement soul, l'emballage et le groove sont marqués par le trap, l'afro-house, cette «nostalgie futuriste», comme elle se plaît à la qualifier. Pour réaliser l'ampleur de son talent, il faut écouter ses enregistrements réalisés avec le concert de solides beatmakers, à commencer par Casey MQ.

PHOTO FOURNIE PAR POP MONTRÉAL

Seen

Akua

Au Ministère, vendredi dernier, et au parc du Marché des possibles, hier

Montréalaise d'origine californienne, cette chanteuse se démarque pour son mélange probant de soul/R&B/hip-hop et ses éléments ambient ou dub électroniques fort bien construits malgré leur caractère artisanal. Nous sommes à l'orée d'une émergence, mais la maturité de ces productions et de cette expression vocale aérienne, évanescente, démarque très clairement Akua de ses collègues. L'intelligence de l'émotion, la subtilité créative et cette charmante discrétion du personnage font d'Akua une représentante des forces émergentes de Montréal, comme c'est le cas de la très talentueuse Cyber dont on a fait l'éloge à la veille de Pop Montréal.

Seen

Au parc du Marché des possibles, hier

Odile Myrtil et Victor Bongiovanni forment le duo Seen, plutôt atypique pour le mélange de voix soul et d'ambient trip hop. Aussi en tant que DJ, ils écoutent énormément de musique, bien au-delà de leurs origines culturelles - cambodgienne et haïtienne dans le cas d'Odile, italienne dans celui de Victor. Leur musique a été sélectionnée à Pop Montréal sa singularité. Ils écoutent énormément de musiques ambient, ils kiffent aussi l'americana planant comme la deconstructed club music - notamment les labels Pan et Poshisolation. Le répertoire de Seen est encore embryonnaire, mais assez singulier pour qu'on s'y attarde... à la suite de cette performance atmosphérique donnée au parc du Marché des possibles, dans le contexte de Pop Montréal.

PHOTO FOURNIE PAR POP MONTRÉAL

Akua