La grande salle de la Place des Arts, remplie jusqu'au dernier balcon pour le succès électro-pop «crossover» de la dernière année: The XX. Ce n'était pourtant pas lui que nous étions venus entendre. Plutôt la jeune chanteuse Nika Roza Danilova, alias Zola Jesus, invitée par Fever Ray à ouvrir ses spectacles ces derniers mois. Zola Jesus offrait hier soir son tout premier concert à Montréal.

Zola Jesus@Wilfrid-Pelletier

On ne savait pas trop à quoi s'attendre de cette proposition musical hyper-typée (les comparaisons avec Siouxie & The Banshees sont trop évidentes), mais captivante. Après une quarantaine de minutes, nous avons été convaincus du potentiel de la mystérieuse demoiselle.

Sur scène, un batteur et trois claviériste - l'un deux joue aussi d'une percussion électronique d'appoint, en plus de faire choriste. Roza s'amène avec un long châle noir qui lui cache la tête pour entamer Trust Me, langoureux, tortueux groove synthétique.

Elle entonne ensuite la rythmée I Can't Stand d'une voix puissante et incantatoire. Le groupe joue avec conviction (mention au batteur, déchaîné), mais nos yeux ne peuvent quitter Roza, qui laisse maintenant voir sa tignasse blonde.

La chanteuse fait nerveusement les cent pas, bouge brusquement, ne tient pas en place. Elle répétera le même manège pendant une quarantaine de minutes, chantant ses prières électro avec fougue et conviction. Poignante et troublante, théâtrale dans son chant comme ses gestes, voilà une découverte qu'on a déjà hâte de revoir, un premier vrai album sous le bras.  

Deerhoof@La Tulipe

Il nous a bien fait rire, le batteur Greg Saulnier. Pas seulement à cause de sa posture, lui le grand maigrichon recourbé derrière une batterie réduite à sa plus simple expression - une grosse caisse, une caisse claire, une cloche à vache et une cymbale, c'est tout! -, mais aussi pour son obstination à vouloir s'adresser à son public en français, ce qui arrivait après chaque chanson ou presque.

Ça donne des perles comme celle-ci, lorsqu'il a affirmé que ce concert, qui n'était ni le premier à Montréal, ni à La Tulipe, était le «premier content concert» (le meilleur) de Deerhoof! Une charmante et généreuse attitude pour cette performance technique et pétillante de la part des hérauts indie rock.

La chanteuse et bassiste Satomi Matsuzaki semblait répondre à Saunier avec son propre grain de folie, contrastant ainsi avec la performance des deux consciencieux guitaristes (munis d'électriques douze cordes) Ed Rodriguez et John Dieterich.

S'il faut se fier aux inédites entendues hier, Deerhoof n'a pas terminé son exploration rock électrique amorcée déjà avant le dernier album, Offend Maggie. Dense et explosif, le jeu des musiciens était autant de petit pétards allumés sur scène qui explosaient en quatre minutes ou moins. Du rock alternatif de haute voltige, cérébral, certes, mais décoincé par le plaisir évident de voir ces quatre-là se débattre sur scène.

Timber Timbre@Fédération Ukrainienne

Si on déplorait la salle de la Fédération à demi-pleine la veille pour le rare et très bon concert de Van Dyke Parks, il en allait tout autrement du spectacle de Timber Timbre, sorte de réponse «canadian» à Bon Iver, révélé grâce à son excellent troisième album (éponyme) paru l'an dernier.

Le bouche à oreille avait fait son oeuvre, on se marchait presque sur les pieds dans le petit auditorium de la rue Hutchison. L'auteur, compositeur et interprète Taylor Kirk était accompagné d'un lap guitarist aux sonorités recherchées, ainsi que d'une violoniste.

Kirk distille une sorte de honky-tonk minimaliste, avec moult écho dans la voix, affirmée, et sa belle grosse guitare. Différent sur scène que sur disque, moins précieux, plus bruyant, Kirk manque surtout de ce charisme qu'on lui prête volontiers en se lovant dans ses chansons enregistrées. Les chansons nous paraissent moins touchantes, moins incarnées, mais toutefois transposées avec audace en spectacle. Pas mal.

Swans@Le National

Changement de décor total: après l'écoute attentive des chansons aériennes de Timber Timbre, l'exercice de remblayage des conduits auditifs de Michael Gira et son groupe Swans réassamblé. Le public a répondu en nombre à l'invitation des vieux freaks, qui nous ont mis en transe avec leurs grooves rock pesants et bruyants.

Un véritable exutoire que ce concert, livré dans un National chauffé à bloc, on sentait des gouttes de sueur couler sur notre peau, sueurs froides en réaction à la terreur rock qui canardait sur scène, sueurs d'étouffement dans cette petite salle mal climatisée.

Le mur du son se dressait devant nous, au dessus duquel se dressait Gira, menaçant et péremptoire avec ses phrases coup-de-point ponctuant les longs jams. Quelque chose comme un événement que ce spectacle, en tous cas pour les dévots de Swans qui n'ont sans doute pas été déçu de la haute tenue de l'orchestre, déjà bien rodé à ce stade-ci de la tournée. Au bout de trois quarts d'heure, par contre, nos tympans demandaient pitié...

Bonjay@Le Belmont

La nuit s'est étirée au Belmont après un saut à la Sala Rossa, escale imprévue de ce vendredi soir. Nous croisions plus tôt le gérant du duo torontois, qui nous apprenait que Bonjay, remis de son concert de la veille, officiait cette fois au Belmont pour « l'after-party » officiel de The XX. Nous y sommes allés, attirés par la perspective d'entendre la sélection de Jamie Smith (le discret de The XX), DJ de son propre after-party, qui doit lancer bientôt un premier album solo.

Arrivé à la toute fin du set de Smith, nous sommes plutôt restés pour Bonjay, talentueux duo qui allie soul moderne et dancehall dans une formule accessible et irrésistiblement dansante. Au programme, notamment, les chansons efficaces de Broughtupsy, le EP de six titres récemment lancé. Les problèmes de sono du Belmont - un lieu qu'on redécouvre, à la faveur d'une programmation plus étoffée que les partys de session d'assos universitaires... - n'ont pas ralenti l'ardeur du duo. L'auditoire, qui ne paraissait pas familier avec le travail de Bonjay, a vite embarqué dans la danse, énergique et sexy, grâce à la présence scénique forte de la chanteuse Alanna.