Avec la mort d'Alain Bashung, la chanson française perd un monument - «le dernier des géants», a écrit l'hebdomadaire Les Inrockuptibles en 2008. Le ténébreux et brillant compositeur, interprète, guitariste et acteur a perdu le combat qu'il livrait contre le cancer depuis plus d'un an. Il avait 61 ans.

L'artiste, instantanément reconnaissable à sa voix douce et grave, à ses lunettes fumées et à ses cheveux gris, s'est éteint samedi après-midi à l'hôpital Saint-Joseph, à Paris, entouré de ses proches, ont confirmé des représentants de sa maison de production, Garance Production. Celle-ci avait annoncé il y a quelques jours l'annulation de trois concerts qu'il devait donner samedi soir et la semaine prochaine au Grand Rex de Paris. En dépit de sa maladie et de ses traitements de chimiothérapie, Alain Bashung n'avait jamais abandonné son public. Il avait donné des spectacles tout l'automne et avait repris sa tournée en février dernier.

«Je voudrais vous remercier parce que vous m'avez tellement aidé, donné beaucoup d'amour», a-t-il déclaré, ému, le 28 février dernier, aux 24es Victoires de la musique, où il a fait sa dernière apparition publique. Ce soir-là, il avait remporté trois autres prix Victoire - ceux de l'interprète masculin de l'année, du meilleur spectacle et du meilleur album chanson pour Bleu Pétrole. Avec 11 prix en près de 40 ans de métier, il est l'artiste le plus récompensé de l'histoire des Victoires.

La renommée de Bashung, que d'aucuns (tel Arthur H il y a quelques jours) considéraient comme un héritier de Serge Gainsbourg, avait depuis longtemps rejoint les amateurs de musique francophone du Québec. Les férus étaient déjà tombés sous le charme de Gaby oh Gaby au début des années 80. Mais c'est avec Osez Joséphine, la chanson et le disque, que Bashung est devenu une star du rock francophone au Québec. Sa dernière visite chez nous remonte à l'été 2005. Il avait créé l'événement aux FrancoFolies avec deux concerts au Métropolis, les 29 et 30 juillet. Pour sa «Carte blanche», il avait invité sur scène Diane Dufresne, Robert Charlebois et Dumas, entre autres.

«Il a amené la chanson ailleurs, vraiment ailleurs, a dit hier Monique Giroux, animatrice à Espace Musique (Radio-Canada) et spécialiste de la musique francophone. Il a retiré les oeillères des gens en ouvrant la chanson à d'autres horizons, tant sur disque que sur scène. Hormis peut-être Osez Joséphine, Bashung a toujours proposé une chanson différente, pleine d'audace.»

Un legs gigantesque

Dès l'annonce de son décès, les témoignages et les hommages ont fusé. Le président de la République, Nicolas Sarkozy, a souligné qu'il était «un prince et un immense poète», «un chanteur engagé» qui s'était créé une «esthétique musicale sombre et élégante».

Le parolier Jean Fauque, sur les ondes de France Inter, a rendu hommage à la façon qu'avait Bashung «d'explorer, de sortir des sentiers battus, de se remettre en question, quitte à faire peur». «C'est plus souvent quelque chose qu'on constate en littérature ou en peinture, a-t-il ajouté. Mais en musique, et en France, cette remise en question est rarissime.»

Alors qu'une nouvelle génération de Français ramène la chanson dans les palmarès, toute une tribu d'auteurs, compositeurs et interprètes audacieux et marginaux, les Dominique A, Albin de la Simone, Claire Diterzi, Benjamin Biolay, Vincent Delerm et autres, perdent un modèle. «Alain Bashung, c'était un phare. On se retrouve sans repères», a dit Joseph D'Anvers en réaction à la nouvelle.

Atteint d'un cancer du poumon depuis un an et demi, le musicien avait confirmé la chose en avril 2008. Le 1er janvier dernier, Alain Bashung avait été fait chevalier de la Légion d'honneur.

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