Après un premier solo à New York salué par la critique l'automne dernier, la sculptrice Valérie Blass expose ses oeuvres à la galerie Parisian Laundry. Son expo, Théâtre d'objets, est marquée par l'insertion de la photographie dans son travail. Une nouveauté.

Une stèle funéraire de granit sur laquelle est imprimée une photo. Des sculptures en polystyrène qui sont des constructions et des déconstructions de photographies. La statue d'un gladiateur des temps modernes au costume stratifié comme une roche sédimentaire. Des photos de marionnettistes manipulant des objets-sculptures. Avec son Théâtre d'objets, Valérie Blass continue d'innover et de surprendre.

Et de se surprendre, devrait-on ajouter, puisque la sculptrice montréalaise de 46 ans reconnaît que c'est souvent la matière qui décide à sa place.

Sculpture bidon, une pierre tombale noire accueille le visiteur à l'entrée de la galerie. On croit y reconnaître une gravure, mais c'est en fait l'impression au laser d'une image. Un modèle vêtu d'une combinaison rayée pose son pied sur une chaise, tel un assemblage de type Bauhaus dans son référentiel architectural et esthétique.

Dans le même esprit, Valérie Blass a créé Orca gladiator, imposante sculpture réalisée dans un bloc de polystyrène avec résine, cuivre et plâtre. Les rayures de la stèle se retrouvent dans une même perspective horizontale, quand on observe l'oeuvre de côté. L'artiste a créé ces lignes avant même de réaliser le personnage à la tête difforme et hypertrophiée qui lui donne l'air d'un étrange mammifère.

La variation de perspective est également étudiée dans ses deux plus récentes sculptures intitulées Portrait de pont à poutre en porte à faux et pour lesquelles la forme a été générée par une image projetée sur la forme. Complexe!

Pour cette anamorphose qui intègre la notion de distorsion, Valérie Blass a utilisé des photos d'une autre sculpture en bois et maille textile qu'elle avait présentée au Musée d'art contemporain, en 2012.

«C'est compliqué, mais si je ne me complique pas la vie, je m'ennuie, explique-t-elle. Je pourrais refaire mes personnages-cheveux et je pense que ça aurait du succès, mais j'ai besoin de trouver quelque chose de différent. Pour ces deux sculptures, ce n'est pas moi qui ai décidé de leur forme, mais les objets. Quand je sculpte dans le cube, au départ, c'est difficile de m'imaginer ce que ça va devenir. Et ça, ça m'excite.»

Visite de la galerie

Au sous-sol de la galerie, on retrouve trois photos de petit format, qui sont des mises en scène inspirées du théâtre japonais. Des marionnettistes vêtus de noir manipulent des objets en équilibre. La lumière des photos est magnifique. Les cordes, tissu, corne de vache et planches contrastent avec le fond sombre. Les trois oeuvres explorent le processus sculptural de l'instantané, quand la lentille capte un mouvement unique de chaque marionnettiste.

À l'étage de la galerie, on peut voir une autre impression au laser sur granit, I see your nose grow, ainsi que quatre sculptures verticales, dont trois constituées de petites branches de bois.

L'oeuvre Dans la forêt, élevée par des hérissons a une touche à la fois dramatique, humoristique et intérieure. La branche de bois qui s'élève et la main maculée de peinture qui tient une épine pointue semblent évoquer le dénuement de l'individu et l'illusion de sa défense.

Plus expressives, Se tirer dans le pied et Prête pour le pire sont des abstractions-figurations minces et élancées qui font inévitablement penser à L'homme qui marche de Giacometti. Les deux sculptures créées à partir d'une maquette ont les mêmes jambes et les mêmes pieds faits de branches et de mousses. Frêles allégories de la fragilité de l'existence.

Enfin, She's a nympho, I'm a therapist est une sculpture géométrique surréaliste sculptée dans un bloc de polystyrène. Le caractère statuaire est brillamment exprimé avec une fausse texture de roche métamorphique et une main qui, discrètement, désigne au visiteur la photo du corps d'une femme dévêtue et touchée par le doigt d'une main gantée. L'expo Théâtre d'objets révèle une Valérie Blass en quête de nouvelles voies d'expressions. Et ça grouille d'idées! Les oeuvres présentées dégagent toujours autant de génie avec un doigté et une intelligence du propos qui font la touche de cette artiste incomparable.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Sculpture bidon

Valérie Blass en 7 dates

> 1967

Naissance à Montréal, le 10 décembre

> 1995

Prix du département des arts de l'UQAM et prix Hubert-Rousseau

> 1999

Diplôme en arts visuels à l'UQAM

> 2006

Maîtrise en arts visuels et médiatiques à l'UQAM

> 2010

Prix Louis-Comtois de la Ville de Montréal et de l'AGAC

> 2011

Prix de la meilleure exposition-galerie privée, au Gala des arts visuels

> 2012

Prix Victor-Martyn-Lynch-Staunton du Conseil des arts du Canada et prix de la meilleure exposition muséale, au Gala des arts visuels

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

L'artiste utilise dans son oeuvre la variation de perspective.

Une année faste

> Exposition solo Parisian Laundry Projects à la galerie The Hole, à New York.

> Exposition solo à la galerie Manâ d'Istanbul, en Turquie.

> Exposition solo au Alberta College of Art + Design, à Calgary.

> Exposition solo Le manipulateur manipulé à La Chambre blanche, à Québec.

> Exposition collective Traces of Life, à la galerie Wentrup, à Berlin en Allemagne.

> Exposition collective Configurations, au Metrotech Center de Brooklyn, dans le cadre du Public Art Fund de New York.

> Exposition collective Oh, Canada au MassMoCA (North Adams, Massachusetts)

> Exposition collective The Intellection of Lady Spider House à la Art Gallery of Alberta, à Edmonton.