Les galeristes Rhéal Olivier Lanthier et François St-Jacques proposent une quadruple et vivifiante exposition chez Art Mûr ce printemps. Les peintures d'Annie Hémond Hotte avec ses références à Dalí et sa critique d'un monde devenu aussi pluriel qu'absurde et le cochon empaillé de David Ross Harper une condamnation de notre obsession à maîtriser la nature côtoient deux présentations convaincantes de Karine Giboulo et Dina Goldstein.

Les mises en scène photographiques de Dina Goldstein avec sa série In the Dollhouse frappent par leurs couleurs rose et rouge dominantes.

Les couleurs des contes de fées. On est dans l'univers des poupées Ken et Barbie sauf que la Vancouvéroise d'origine israélienne met les points sur les i. Ken est homo et la pauvre Barbie ne peut que lever les yeux au ciel! Elle finira par couper ses longs cheveux pour masculiniser son apparence. Mais Ken préfère l'authentique.

Ancienne photographe du Vancouver Sun, Dina Goldstein manie la lentille depuis 20 ans.

Après un reportage à Gaza, elle a laissé tomber le reportage pour le magazine et l'art. In The Dollhouse est à Montréal en première mondiale. Avant Los Angeles. C'est une suite de sa série Fallen Princesses sur la condition de la femme contemporaine.

En 2008, sa photo Snowy d'une Blanche-Neige épuisée avec deux minots dans les bras (tandis que le Prince charmant regarde une rencontre de polo à la télé tout en buvant une bière) avait marqué les esprits.

Avec In The Dollhouse, on est dans le même style de message, cette fois sur le caractère fallacieux de l'univers de Barbie.

«Comment peut-on croire que Ken n'est pas gai ! dit Dina Goldstein. Il n'a jamais eu un seul poil sur le corps! Et ils l'ont émasculé alors que Barbie est ultra-féminisée et a des proportions ridicules et impossibles.

L'impact sur les petites filles est partout sur la planète. Non, la vie n'est pas un conte de fées. Ni propre ni parfaite!»

Pour Dina Goldstein, il faut épargner aux enfants les standards de beauté et comportements supposément parfaits.

Dans ses photos, Ken s'assume enfin avec ses chaussures à talons hauts, lit le magazine d'Oprah Winfrey, s'épile les jambes dans son bain et rêve, comme Barbie, à GI Joe! Les photos sont très belles.

Les deux mannequins qui jouent Ken et Barbie (Nathaniel Campbell et Reghan Blake) ont été maquillés avec perfection: ondirait de vraies poupées.

City of Dreams

À l 'étage supérieur, on retrouve une autre mise en scène avec les personnages miniatures de Karine Giboulo. L'artiste dans la trentaine a déjà présenté All you can eat, Village électronique et Village démocratie, en 2008 et 2010, sur l'industrialisation chinoise et la pauvreté en Haïti.

Avec City of Dreams, qui découle de sa résidence à Bombay, en Inde, et d'un voyage en Chine, elle poursuit sa dénonciation des problèmes liés à la mondialisation, à l'urbanisation et aux conséquences sur les populations et sur l'atmosphère de la planète.

L'installation principale décrit l'opposition entre industrialisation à outrance et tradition rurale. La mine à ciel ouvert et le champ circulaire sur lequel un tracteur tourne en rond (belle image) sont reliés par une ville en suspension, avec ses travailleurs à la chaîne, ses vendeurs ambulants, la ménagère qui lave son linge et les paysans qui font cuire leur nourriture sur un feu en pleine ville.

Les riches sont représentés comme des ours obèses se prélassant dans une piscine. Les figurines en argile de polymère cuite sont magnifiques de précision.

Chaque personnage nécessite une journée de travail. Le tout est une critique de la façon dont l'économie domine aujourd'hui les affaires du monde, drainant inégalités sociales et violences dans certains pays. L'installation se veut une prise de conscience et un avertissement.

«Quand on voit la pauvreté là-bas [à Bombay], c'est comme si j'en avais la vue brouillée tellement c'était trop», dit Karine Giboulo. Cette création ainsi que ses précédentes seront exposées l'automne prochain à la McMichael Canadian Art Collection, à Kleinburg, près de Toronto.

Karine Giboulo, Annie Hémond Hotte, David Ross Harper et Dina Goldstein chez Art Mûr, jusqu'au 22 juin.