En collaboration avec l'Université Western Ontario, l'artiste et philanthrope John A. Schweitzer présente, à Montréal, Les dessins inédits, 28 de ses oeuvres sur papier réalisées depuis une trentaine d'années.

Le nom de famille Schweitzer dérive de Schweizer qui, en allemand, signifie Suisse, mais se prononce également comme le mot soudeur. Ex-galeriste et collectionneur, l'artiste John A. Schweitzer est effectivement un soudeur de mémoires. Mais si le fusain et l'acrylique marient ses univers littéraires, leur union ne fait pas que des enfants forts.

Connu pour ses collages et pour sa grande générosité envers les artistes atteints du sida, le Montréalais d'origine ontarienne présente, dans le hall de l'hôtel Le Méridien, 28 oeuvres provenant de la collection de l'Université Western Ontario, de collections privées et de sa propre collection.

Ces dessins sont beaucoup plus abstraits que les collages qu'il a exposés à Montréal en 2006 (Schweitzer en Sériation) et en 2008 (Liaisons aiguës), des collages qui sont une grande part de sa renommée internationale.

Son art «intertextuel» - comme l'a défini Margaret Atwood - est un mélange d'audace et de recherche. De l'audace, il en faut pour nous faire accepter le sens de certaines de ses oeuvres sur papier. Si elles peuvent ressembler à des études, voire à des dessins d'enfant, John A. Schweitzer insiste pour dire qu'il s'agit d'oeuvres fully realized et indépendantes de ses collages pour lesquels va sa prédilection.

La juxtaposition d'expressions a toujours imprégné son travail. On le constate encore avec Les dessins inédits. Une ligne horizontale, une autre verticale, quelques fouettés de couleur et l'artiste élabore un dialogue qui s'étend jusqu'aux cadres, comme dans le cas de Discourse: Intrusive (1983) et Discourse: extrusive (1989). Sa démarche y synthétise le contenu et le contenant.

«Je suis un moderniste subversif», dit-il, tout de blanc vêtu, en présentant à La Presse ses oeuvres minimalistes. On le croit aisément.

La «ligne de beauté» du dessin A Lyric for Northrop (1984) a beau provenir d'une réflexion de feu le critique Northrop Frye (qui avait vanté «la littératie visuelle et verbale de Schweitzer»), la verticalité de la ligne en question, «dans ses formulations totémiques», a une aura d'opacité qui nous éloigne beaucoup du plaisir des yeux et nous rapproche de l'illusion.

Le critique Henry Lehman avait affirmé dans la Gazette, en 2005 que John A. Schweitzer était un «maître suprême de la contradiction, de l'illusion et de la désillusion».

Mais l'illusion sans esthétique ni mordant ennuie et fait place à la désillusion, même lorsqu'un sens littéraire se cache derrière une horizontale, une griffure ou un collage de papiers d'écolier.

On a beau s'inspirer de Picasso, Braque, Hans Hofmann ou Robert Motherwell, l'art doit nous parler. Et mis à part les beaux discours de l'artiste, je n'ai pas ouï grand-chose avec Les dessins inédits.

Dommage, mais faut-il vraiment s'en étonner? Les dessins inédits ont beaucoup moins à évoquer que les audacieux et puissants collages de l'artiste qu'il est allé exposer jusqu'en Allemagne en 2004, aux côtés d'oeuvres de Julian Schnabel, Jenny Holzer ou Lawrence Weiner.

L'exposition est donc un peu décevante et l'on a hâte à la prochaine puisque l'artiste amorce une période que l'on souhaite plus évocatrice. «Je vais me mettre à faire des éclaboussures de peinture pour illustrer mon attitude liquéfiée actuelle!», dit-il.

Les dessins inédits se rendront ensuite à la Galerie John A. Schweitzer, créée en 2004 par l'Université Western Ontario, là où il a obtenu son baccalauréat en arts visuels et où on lui décernera un doctorat honoris causale 28 octobre.

Membre de l'Académie royale des arts du Canada depuis 2003 et de la Société des artistes de l'Ontario depuis 2006, l'artiste dans la cinquantaine se consacre aussi beaucoup à sa fondation qui donne 10 bourses de 15 000$ chaque année pour aider des artistes du monde entier, malades du sida, ou pour leur famille afin d'archiver leurs travaux. Un geste qui a plus de mordant que ses 28 dessins inédits.

Les dessins inédits/The Unknown Drawings (1983-2011), à l'hôtel Le Méridien, jusqu'au 1er septembre.