Le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) présente cet été l’exposition L’univers au creux des mains : pensées et splendeurs de la Colombie autochtone, une nouvelle façon de considérer l’art de la Colombie. Avec 400 petits objets de céramique ou d’orfèvrerie, des œuvres messagères réclamant une grande maîtrise technique et qui racontent une vision du monde et de l’environnement que l’Occident n’a pas encore tout à fait comprise…
Cette exposition, scénographiée avec sobriété dans plusieurs salles, provient de la collaboration de trois musées : le Los Angeles County Museum of Art (LACMA), le Museum of Fine Arts de Houston et le Museo del Oro, à Bogotá. Elle résulte aussi d’une collaboration avec les autochtones Arhuaco, de la Sierra Nevada de Santa Marta, dans le nord de la Colombie.
Il s’agit de la plus importante exposition d’art colombien présentée à l’extérieur de ce pays, grâce au fait que le LACMA a reçu un don, en 2007, de plusieurs centaines de céramiques colombiennes d’une collection privée américaine. « Pour mettre en valeur cette collection, le LACMA a établi un partenariat avec les deux autres musées, dit Erell Hubert, conservatrice de l’art précolombien au MBAM. Puis, le LACMA est entré en contact avec les descendants de ceux qui ont créé toutes ces œuvres. »
Il y a encore plus d’une centaine de peuples autochtones en Colombie. Le LACMA a choisi de s’adresser à l’un des plus actifs, soit les Arhuaco, avec lesquels il entretient une relation depuis plus de 10 ans. « La façon dont on présente les œuvres respecte donc la perspective des Arhuaco », dit Mme Hubert.
Les Arhuaco ne considèrent pas leurs œuvres comme des objets inanimés, mais comme des êtres vivants qui portent encore leur message. C’est la raison pour laquelle aucune date de création des œuvres n’est indiquée sur les cartels afin que ces artéfacts ne soient pas considérés « comme des pierres tombales », dit Erell Hubert.
L’exposition débute par une toute petite œuvre en or et en cuivre, une figurine votive en forme d’homme assis en tailleur, qui accueille les visiteurs les bras ouverts. Une position dite du panier, encore pratiquée par les autochtones colombiens pour se mettre en position afin de recevoir la connaissance.
On invite les visiteurs à s’ouvrir, à accepter l’existence d’une autre façon de voir le monde, une façon basée sur l’interdépendance de tout ce qui existe.
Erell Hubert
La première salle invite à la méditation, avec une musique des aînés autochtones et des paroles d’un mamo (chef spirituel) qui invitent à la réflexion avant d’agir, à la mesure de l’impact de nos actes, à maintenir un équilibre au cœur de nos lieux de vie. Le tout avec des images tournées dans la région montagneuse de la Sierra Nevada de Santa Marta, dans le nord de la Colombie. Il s’agit d’une sorte de pause avant la visite, pour se mettre dans un état d’introspection qui permet de mieux saisir, selon les Arhuaco, les significations de leurs expressions artistiques en céramique et alliages d’or et de cuivre.
Les salles sont une succession de présentations d’œuvres provenant de différentes nations. Une présentation avec des vitrines assez basses pour permettre aux enfants et aux personnes en fauteuil roulant de bien détailler ces petits objets magnifiquement ciselés et qui sont la plupart du temps des objets de cérémonie. Par exemple, des ocarinas, sortes de petites flûtes de formes variées.
Visiteuses et visiteurs seront surpris de découvrir la taille des boucles d’oreilles et des pectoraux, ces bijoux ornementés qu’on portait sur la poitrine non seulement comme décoration, mais aussi pour transformer le corps. Un usage à la résonnance spirituelle et non purement esthétique comme on pourrait le penser. Des créations qui font le lien entre le territoire et ses richesses, l’action de créer des œuvres et l’écoute spirituelle qui prend en compte les autres éléments de la Terre, qu’ils soient animaux, végétaux ou minéraux.
Tout en entendant des sons qui évoquent la jungle, on croise des récipients figuratifs, des masques et urnes funéraires, des objets du quotidien comme une râpe, des ornements de bâton, des pièces reliées à la consommation de feuilles de coca ou à la fascination pour le cosmos, « notre maison à tous ».
« Quand on pense à notre questionnement par rapport à notre façon de traiter la nature, on a beaucoup à apprendre de ces cultures, dit Erell Hubert. Quand on explore les zones archéologiques, on constate que la diversité biologique y est bien plus grande qu’ailleurs. Donc l’occupation humaine n’est pas un problème, mais c’est la façon dont on occupe le territoire qui en est un. Les Arhuaco disent qu’il faut agir pour devenir les ancêtres que nous voulons être. »
L’univers au creux des mains : pensées et splendeurs de la Colombie autochtone, au MBAM, jusqu’au 1er octobre.
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