L’actuel directeur général et conservateur en chef du Musée d’art de Joliette (MAJ), Jean-François Bélisle, deviendra le 17 juillet, directeur général du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC), à Ottawa. Il succède à la directrice générale par intérim Angela Cassie dont le passage a été marqué par une grave crise interne, l’hiver dernier.

Le conseil d’administration du Musée des beaux-arts du Canada et le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, semblent avoir résolu la quadrature du cercle en nommant Jean-François Bélisle à la tête du MBAC. Il arrive en effet à un moment charnière de l’histoire du musée qui avait pris un tour aigre-doux en novembre dernier quand son C. A. a mis à la porte la sous-directrice et conservatrice en chef Kitty Scott, le conservateur de l’art autochtone Greg Hill, le directeur de la conservation et de la recherche technique Stephen Gritt et la gestionnaire principale des communications Denise Siele. Des congédiements qui avaient inquiété le milieu des arts visuels et le ministre Rodriguez.

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Le Musée des beaux-arts du Canada à Ottawa

La transformation du MBAC mettait de l’avant une volonté de prendre en considération « la façon autochtone de penser » dans la gestion et la programmation du musée. Des dents avaient grincé. L’arrivée de Jean-François Bélisle aux rênes du musée devrait permettre à l’établissement d’appliquer son programme qui confère une place différente et majorée aux autochtones et minorités sociales, sans toutefois faire table rase du passé.

Titulaire d’un baccalauréat et d’une maîtrise en histoire de l’art de Concordia, M. Bélisle pourrait être le directeur providentiel pour ce virage planifié du phare muséal des arts visuels canadiens. D’abord parce qu’il a su gérer avec brio la nécessité de donner plus de place aux autochtones au Musée d’art de Joliette.

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L’œuvre murale Mirwatisiwin, de Marie-Claude Néquado, dans la salle de travail des écoliers, au Musée d’art de Joliette, en novembre dernier.

À la suite de la mort tragique de l’autochtone Joyce Echaquan à Joliette le 28 septembre 2020, il a rapproché les communautés et fait entrer la directrice anichinabée du Centre d’amitié autochtone de Lanaudière, Jennifer Brazeau, au conseil d’administration du MAJ. Et exposé à Joliette un grand nombre d’artistes autochtones de grande valeur.

La vision du nouveau venu

Le parcours de Jean-François Bélisle est atypique. C’est d’ailleurs sa force. Il a connu le milieu des arts visuels sous tous les angles. Fils du collectionneur Jean-Denis Bélisle, ex-ambassadeur du Canada dans plusieurs pays d’Afrique, il est réputé pour ses expertises élargies, son dynamisme contagieux et sa connaissance du milieu muséal canadien, ayant été, depuis 2021, vice-président de l’Organisation des directeurs de musées d’art canadiens, avant d’en devenir président la semaine passée !

Parlant français, anglais et italien, Jean-François Bélisle connaît bien le marché de l’art international. Il a travaillé à la maison de vente aux enchères Sotheby’s à Genève, et à la maison de vente Iegor à Montréal. Parmi ses autres expériences professionnelles, il a œuvré à l’Institut de recherche en art canadien Gail et Stephen A. Jarislowsky à Montréal, à l’UNESCO à Paris, à la Fondation du Prince des Asturies à Oviedo, en Espagne, ainsi qu’au Musée McCord et au magazine Ciel variable.

Directeur de l’Association des galeries d’art contemporain de 2007 à 2011 et de l’Arsenal de 2011 à 2016, il a commissarié un grand nombre d’expos d’art contemporain sur les scènes québécoise, canadienne et internationale. Il est arrivé en avril 2016 à la tête du MAJ où il avait remplacé Annie Gauthier partie diriger les collections au Musée national des beaux-arts du Québec.

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Jean-François Belisle lors de son commissariat de l’exposition Science des rêves à l’Arsenal en 2013

À Ottawa, Jean-François Bélisle veut poursuivre la vision actuelle du MBAC et implanter sa vision d’un musée centré sur l’art et les artistes. « J’aimerais que le musée joue un rôle dans la société, de par ses réflexions, ses choix et l’espace de dialogues et de recherches qu’il représente, dit-il. Je voudrais aussi continuer de créer des ponts au niveau national, m’assurer que les artistes du Québec soient connus en Colombie-Britannique et vice versa. Que les institutions, lieux d’expositions et lieux de recherche collaborent plus. On est un grand pays, mais pas une superpuissance internationale. Alors créer ce foisonnement au niveau national devrait nous aider à nous démarquer sur la scène internationale. »

Compte tenu de la crise interne de l’hiver dernier, Jean-François Bélisle a hâte de rencontrer les équipes du musée et de « prendre le pouls de la santé humaine de l’institution ». « Une de mes préoccupations quand j’ai commencé à penser à ce poste était de savoir comment, en tant qu’homme blanc, je serais accueilli, dit-il. Mais je dois dire que j’ai toujours été rassembleur et ouvert. Ça me vient peut-être de mes expériences à l’étranger. Mon souhait premier est que le musée soit ouvert à tous et à toutes. »

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Barcelone, 2003 – 2021, Geneviève Cadieux, installation au Musée des beaux-arts du Canada, 2021.

Jean-François Bélisle va regretter le MAJ. Il est fier de ce qu’il y a accompli, notamment du point de vue communautaire et des questions de société qui ont été traités dans les différentes expositions sous sa direction. « J’ai aimé mélanger de l’art autochtone avec de l’art non autochtone et recontextualiser des pièces comme la collection Prakash, dit-il. C’est important du point de vue social. En 2018, on a fait une expo sur l’intelligence artificielle avec le Britannique Mat Chivers alors qu’on ne parlait pas encore de l’IA. Et je suis fier aussi de la première grosse exposition de Kapwani Kipanga qui va représenter le Canada à Venise l’an prochain ! »

Réactions du milieu

Pierre Trahan, cofondateur d’Arsenal Art contemporain : « Jean-François est le candidat idéal pour cet emploi. Non seulement sa feuille de route témoigne de ses succès, mais il a, de plus, un charisme et un entregent hors pair pour attirer un achalandage nécessaire de tous les milieux recherchés et pour redonner pleine vie et dignité à ce musée. »

Michael Audain, homme d’affaires, mécène, collectionneur, fondateur du Audain Art Museum de Whistler : « C’est une nouvelle formidable. Jean-François aura la tâche énorme de redonner sa réputation d’excellence au Musée des beaux-arts du Canada. Et je pense qu’il a à la fois la détermination et l’expérience pour y parvenir. »

Nathalie Bondil, directrice du Musée et des Expositions à l’Institut du monde arabe, à Paris, et ex-directrice générale du Musée des beaux-arts de Montréal : « C’est un excellent choix pour le MBAC avec une personne d’expérience, et en plus francophone ! »

Qui est Jean-François Bélisle

  • Il détient un baccalauréat et une maîtrise en histoire de l’art à l’université Concordia
  • Sa thèse de maîtrise portait sur la réception internationale des expositions présentées au pavillon du Canada à la Biennale de Venise de 1986 à 2005
  • Il a travaillé à la maison d’enchères Sotheby’s à Genève
  • Il a été directeur exécutif de l’Association des galeries d’art contemporain de 2007 à 2011
  • Directeur d’Arsenal Art contemporain de 2011 à 2016, puis directeur général et conservateur en chef du Musée d’art de Joliette, de 2016 à 2023.
  • Il a organisé plus d’une centaine d’expositions et projets d’art au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Chine