La Galerie blanc est de retour pour la deuxième année d'affilée à l'angle des rues Sainte-Catherine Est et Wolfe, dans le Village gai, avec Juxtaposition, une expo d'art contemporain accessible 24 heures sur 24 jusqu'au printemps 2019. Une expérience artistique à apprécier de jour et surtout de nuit avec quelque 70 oeuvres imprégnées de culture numérique.

Quel espace rafraîchissant que cet îlot de blancheur et d'art au sein du Village. Un lieu aussi reposant qu'un jardin japonais. Se promener au coeur de cette galerie à ciel ouvert, les pieds dans les graviers, est un chouette moment de relaxation.

Cette année, le commissaire Nicolas Denicourt a concocté un accrochage intitulé Juxtaposition, patchwork marqué par l'empreinte de l'art numérique. Avec des créations de Sonny Assu, Victor Ochoa, Dominique Pétrin, Live Wild et James Kerr. Des oeuvres présentées sur des modules rétroéclairés disposés avec élégance sur l'espace et qui prennent toute leur force à la nuit tombée.

«J'avais jusque-là fait beaucoup d'expos de photographie, donc j'ai eu envie de sortir un peu de ma zone de confort et de travailler avec des artistes utilisant différents médiums», dit Nicolas Denicourt, qui a choisi de retenir des artistes qui s'inspirent d'oeuvres anciennes.

James Kerr

Par exemple, le créateur numérique montréalais James Kerr qui présente, rue Sainte-Catherine Est (aux intersections des rues Alexandre-deSève et Saint-Hubert), des exemples des illustrations animées de son projet Scorpion Dagger, ainsi que des reproductions d'oeuvres des XVIe et XVIIe siècles de la collection du Musée des beaux-arts de Montréal qui s'animent sur le site principal de la Galerie blanc.

Éclairées de nuit, toutes ces images nécessitent, si l'on veut pleinement comprendre la démarche de James Kerr, que l'on télécharge l'application Layar sur son téléphone intelligent. Avec l'appareil, on pointe les oeuvres dont certains éléments apparaissent alors en mouvement. L'artiste fait ainsi bouger une tête ou une vache, place un téléphone cellulaire dans la main de «l'Agneau de Dieu» peint par Giovan Battista Gaulli ou fait lécher l'oreille d'un lapin par un chien. Des interventions numériques qui ne présentent toutefois pas un grand intérêt.

Sonny Assu

On a beaucoup plus apprécié les oeuvres de Sonny Assu, artiste autochtone de Colombie-Britannique qui associe reproductions de peintures de l'histoire de l'art canadien et iconographie de sa propre tradition. Par exemple, son oeuvre Home Coming, de 2014, qui reprend Scene Near Walla Walla, peint au milieu du XIXe siècle par Paul Kane, en y ajoutant des formes ovoïdes d'inspiration autochtone qui font penser à des vaisseaux d'extraterrestres survolant des Amérindiens en train de pêcher. L'humour de Sonny Assu dans son approche de l'histoire canadienne!

L'exposition présente une dizaine d'autres oeuvres de Sonny Assu, créées dans le même esprit avec des reproductions de peintures d'Emily Carr, dont sa célèbre Silhouette no 2 de 1930.

Live Wild 

Nicolas Denicourt a aussi choisi de nous faire découvrir un étrange «collectif», Live Wild, formé de sept femmes artistes derrière les noms desquelles se cache en fait... une seule et même personne, l'artiste parisienne Camille Lévêque. Inspirée par ses voyages, la photographe dans la trentaine s'exprime dans une variété de styles, d'où l'idée de se créer des jumelles artistiques. Les oeuvres, notamment les collages numérisés de «Lucie Khahoutian», évoquent la jeunesse et les expériences de l'artiste sans vraiment nous captiver.

Victor Ochoa

L'exposition de la sculpture Agamemnon de Victor Ochoa, grâce à un prêt de l'Opéra de Montréal, est par contre un coup de génie. Il s'agit d'une version miniature de l'Agamemnon monumental (7,5 m de hauteur) créé l'an dernier par l'artiste espagnol pour sa scénographie de l'opéra Elektra présenté à la salle Wilfrid-Pelletier.

PHOTO FOURNIE PAR LA GALERIE BLANC

Home Coming, 2014, Sonny Assu, intervention numérique sur une peinture de Paul Kane (Scene near Walla Walla, 1848-1852)

Avec trois grosses roches quartziques disposées autour de la statue, la présentation est du plus bel effet. Cette oeuvre dramatique et humaine qui représente le roi de Mycènes agenouillé est, chaque soir, mise en lumière dans des tons de mauve.

Dominique Pétrin

Juxtaposition fait également la part belle à Dominique Pétrin. L'artiste montréalaise a ancré au centre de l'espace ses installations murales qui ont fait sa réputation, avec ses motifs décoratifs géométriques sur papier sérigraphié, un univers qui mêle références anciennes et modernité numérique. Ces grands panneaux muraux donnent un cachet décoratif indéniable à l'exposition.

Soulignons d'ailleurs la scénographie soignée d'Alexandre Berthiaume, plus épurée que celle de l'an dernier, qui fait de ce lieu un espace de qualité en plein coeur du Village, contrastant avec d'autres endroits du quartier qui, malheureusement, ne brillent pas des mêmes feux. Dommage toutefois qu'une oeuvre de Live Wild (la photographie d'une actrice arménienne de l'époque soviétique, portant un voile théâtral) ait été vandalisée il y a quelques jours...

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Juxtaposition, à la Galerie blanc, à l'intersection des rues Sainte-Catherine Est et Wolfe, jusqu'au printemps 2019.

PHOTO ALEXANDRE BERTHIAUME, FOURNIE PAR LA GALERIE BLANC

De nuit, la Galerie blanc adopte une atmosphère magique.