La présentation d'une exposition, au printemps prochain, du phénomène japonais Yayoi Kusama au Musée des beaux-arts de l'Ontario (AGO) a entraîné un déferlement de demandes de réservation de billets, hier, sur le site du musée torontois. Un engouement exceptionnel lié à la réputation de l'artiste octogénaire et au fait que l'exposition sera présentée en exclusivité canadienne au AGO.

Vers une expo à guichets fermés

Hier, plus de 28 000 personnes se sont rendues sur le site de l'AGO pour obtenir des billets pour l'exposition Yayoi Kusama - Infinity Mirrors présentée du 3 mars au 27 mai. Le musée, qui avait prévu vendre un premier bloc de 40 000 billets du 16 au 19 janvier, a dû faire face à un défi informatique puisqu'il ne peut vendre en ligne que 1500 billets en une heure, a expliqué à La Presse Herman Lo, directeur de l'expérience visiteur à l'AGO. Après cette vente, il ne restera plus que 20 000 billets offerts au public. Les membres VIP du musée se sont vus attribuer quelque 60 000 billets dont 51 000 ont déjà été vendus. «L'exposition sera vraisemblablement présentée, comme ailleurs en Amérique, à guichets fermés, dit M. Lo. C'est sûr qu'on ne peut satisfaire à la demande, même si on a augmenté les heures d'ouverture, du mardi au samedi, jusqu'à 21 h au lieu de 17 h ou 17 h 30. Cette exposition suscite un enthousiasme sans précédent.»

Une première tournée nord-américaine

L'engouement découle du fait qu'il s'agit de la première tournée nord-américaine d'une exposition de Yayoi Kusama depuis 20 ans. «C'est aussi à cause du contenu de l'exposition, puisque les espaces kaléidoscopiques infinis de Yayoi Kusama sont vraiment uniques et représentent des expériences exceptionnelles, a dit à La Presse Adelina Vlas, commissaire de l'exposition au AGO. Cette exposition montre comment ces installations ont évolué dans la pratique de Yayoi Kusama depuis les années 60.»

Multidisciplinarité et provocation

Artiste contemporaine japonaise âgée de 88 ans, Yayoi Kusama a été tour à tour dessinatrice, peintre, sculptrice, performeuse et romancière. Sa réputation a été acquise grâce à des oeuvres parfois provocatrices qu'elle a créées en peignant des sortes de gros pois, un concept dit de self-obliteration, dans le cadre d'installations immersives souvent de grande ampleur. L'artiste a relié son style à sa grande résilience, elle qui a connu une enfance difficile qui l'a conduite à des états dépressifs et des névroses fréquentes durant sa vie.

Un univers immersif

Yayoi Kusama s'est installée aux États-Unis dans les années 50. Elle est devenue une artiste de l'avant-garde new-yorkaise dans les années 60, fréquentant Andy Warhol et s'inspirant du pop art. De retour au Japon en 1973 dans un état de fatigue et de dépression, elle a installé son studio dans un établissement psychiatrique de Tokyo pour y créer ses «oeuvres psychosomatiques». Elle a fait l'objet de grandes expositions et rétrospectives en Europe et aux États-Unis. Le Musée des beaux-arts de l'Ontario présente, après Los Angeles, Washington et Seattle, et avant Cleveland et Atlanta, des éléments de l'univers immersif de Yayoi Kusama, avec six infinity rooms, environnements kaléidoscopiques créés avec des miroirs dans lesquels le visiteur perd ses repères.

Photo Cathy Carver, fournie par le Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO)

Dots Obsession - Love Transformed Into Dots, 2007, au Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington, Yayoi Kusama. Installation de matériaux mixtes. Ota Fine Arts, Tokyo/Singapour; Victoria Miro, Londres; David Zwirner, New York. © Yayoi Kusama

Un phénomène de l'art contemporain

Loin d'avoir pris sa retraite, Yayoi Kusama a ouvert son propre musée à Tokyo en octobre dernier. Même si elle ne se déplace plus pour les vernissages, elle demeure très présente, dit la commissaire Adelina Vlas. «Pour l'exposition, nous avons inclus beaucoup d'information sur sa vie et sa carrière, avec des photographies, ajoute Mme Vlas. Sa vision est encore présente partout. Elle est un phénomène de l'art contemporain, car elle a persévéré dans un domaine qui, historiquement, n'a jamais été très bienveillant envers les femmes artistes. Elle n'en a pas moins réussi à se construire une formidable carrière et un très prolifique portfolio d'oeuvres.»

Des oeuvres «originales et magiques»

Pourquoi se rendre voir les infinity rooms de Yayoi Kusama à Toronto ? Pour les mêmes raisons que les visiteurs avaient d'aller voir en grand nombre The Clock de Christian Marclay, ou The Visitors de Ragnar Kjartansson. Parce que les oeuvres de Yayoi Kusama surprennent, étonnent, ravissent et font réfléchir. «Nous vivons à une époque où nous sommes entourés d'images, dit Adelina Vlas. Nous expérimentons le monde à travers des images ou des appareils électroniques, alors je pense qu'il y a une soif et un réel désir pour vivre une expérience unique avec l'art à travers les oeuvres originales et magiques de Yayoi Kusama.»

Photo fournie par le Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO)

All the Eternal Love I Have for the Pumpkins, 2016, Yayoi Kusama. Bois, miroir, plastique, verre noir, LED. Collection de l'artiste. Ota Fine Arts, Tokyo/Singapour et Victoria Miro, Londres. © Yayoi Kusama