Dans l'univers numérique, l'interaction et l'improvisation ne cessent de s'ouvrir à de nouvelles avenues. Interpolate A/V est l'une d'elles. Encore peu de créateurs ont choisi cette piste : en temps réel, vidéaste, musicien, logiciels (relativement) autonomes peuvent échanger et modifier l'information audiovisuelle.

Voici donc ce jeu de surimpressions d'Interpolate A/V, que présentent Push 1 Stop (Cadie Desbiens) et Woulg (Greg Debicki) ce mercredi à la Satosphère de la Société des arts technologiques (SAT). Le spectacle multimédia a généré beaucoup d'intérêt en avril dernier, et cet intérêt ne cesse de croître. On pourrait fort bien le voir réapparaître sous peu dans un festival électro près de chez nous, et même en tournée à l'étranger...

La Presse : Comment en êtes-vous venus à cette démarche?

Cadie Desbiens : «Je travaille en postproduction depuis 10 ans, je suis une spécialiste des effets spéciaux, je fais de la composition en vidéo - le compositing consiste à intégrer dans un plan unique plusieurs sources d'images. De plus, lorsque je suis arrivée à Montréal il y a une douzaine d'années, j'avais une grande passion pour la musique électronique. J'ai commencé très vite à m'intéresser au design génératif - il s'agit ici de fabriquer une «machine» (généralement un logiciel) destinée à générer des formes et dont on imagine le comportement.»

Greg Debicki : « J'ai étudié l'art numérique à l'Alberta College of Art & Design. Un des enjeux de ma pratique consiste à permettre aux ordinateurs d'improviser ensemble. Au cours des plus ou moins 10 dernières années, j'ai appris à développer cette interaction tout en créant ma propre musique. Il me faut penser l'ordinateur comme un autre compositeur, c'est-à-dire que son utilisateur lui cède certains pouvoirs afin qu'il puisse fournir aussi un influx spécifique à la musique diffusée en temps réel.

Comment ces intérêts s'illustrent-ils dans le contexte de votre travail commun?

Cadie Desbiens : «Je me sentais limitée à diffuser des vidéos de manière traditionnelle, le design génératif me permettait de créer en direct, je me suis mise au design génératif. Greg et moi avons créé notre propre moteur de jeu à partir d'un logiciel nommé TouchDesigner. Ainsi, nous avons chacun imaginé notre part de jeu que nous menons chacun en temps réel. Malgré nos spécialités respectives, nous pouvons chacun intervenir dans l'image et dans le son. Notre spectacle est présenté en quatre parties et les responsabilités sont différemment partagées dans chacune de ces parties.»

Greg Debicki : «Nous changeons plusieurs paramètres à chaque concert. Pour ce, j'ai mis au point quelques procédés, comme ce programme qui réagit à la température ambiante, à la vitesse de l'exécution ou encore au nombre de processus mis en oeuvre. Ces informations peuvent à leur tour modifier le son, ce qui augmente ainsi l'autonomie de l'ordinateur en temps réel. Nous aimons cette idée que personne d'entre nous n'a la maîtrise ultime. Aucune de nous deux ne peut contrôler, nous devenons conséquemment une seule entité.»

La Presse : Pourriez-vous préciser davantage vos approches stylistiques?

Cadie Desbiens : «Ce que je fais est assez minimaliste, axé sur la géométrie et les jeux de perspective. Personnellement, j'ai toujours été attirée par les formes résultant d'équations paramétriques, je pense d'abord au travail de Ryoki Ikeda ou encore plusieurs artistes audiovisuels associés au label allemand Raster-Noton. Pour la projection, Interpolate A/V a été imaginé au départ pour un dôme, mais nous pouvons nous adapter à d'autres surfaces : écrans simultanés, anneaux, surfaces accidentées, etc. L'approche est chirurgicale!»

Greg Debicki : « Je m'inspire en partie de la techno allemande, mais j'aime aussi pervertir cette approche un lui insufflant de l'organique. Je veux plus de saleté, plus d'humanité dans l'affaire : Raster-Noton meets Missy Elliott meets Tom Waits ! Hormis la techno, j'aime la bass music, le hip-hop, Tom Waits... J'aime mêler les cartes en ajoutant du bruit, en produisant l'impression d'instruments désaccordés, etc. Je suis à l'intersection de plusieurs approches.»

***

Interpolate A/V est présenté ce mercredi, à 20h et 21h30, à la Satosphère de la Société des arts technologiques, dans le cadre du Symposium IX 2017.