En route pour le XVIe Sommet de la francophonie à Madagascar, le premier ministre Philippe Couillard a fait escale à Paris et visité, hier, la Gaîté lyrique, centre de création numérique nouvellement cogéré par la Société des arts technologiques (SAT) de Montréal. Une façon de célébrer la bonne santé de l'art numérique québécois, qui innovera en 2017 alors que la SAT reliera une vingtaine de salles du Québec pour y diffuser des spectacles simultanément.

Joint au téléphone à Paris hier, le premier ministre du Québec venait de terminer sa visite de la Gaîté lyrique, ancienne salle de spectacles créée en 1862 et devenue, depuis cinq ans, un axe majeur de la création numérique et des musiques actuelles en France.

Il s'est réjoui du fait que la SAT avait été retenue pour gérer et exploiter ce centre culturel jusqu'en 2022, en partenariat avec deux organismes français. 

«C'est quelque chose d'assez unique qui témoigne du bon rayonnement de notre secteur des arts numériques au Québec et des liens très profonds qui se sont tissés, au cours des années, avec nos partenaires français», a indiqué Philippe Couillard, premier ministre du Québec.

Ces liens se sont renforcés au cours des dernières années. Philippe Couillard rappelle que lors de la visite, en 2014, du président français François Hollande, tous deux avaient décidé d'un projet numérique commun à réaliser dans le cadre de la Conférence de Paris de 2015 sur le climat (COP21). Il en est résulté un film, Re-Génération, issu d'une collaboration entre la SAT, la Cité de sciences et de l'industrie et La Géode de Paris. Le film a été diffusé durant la grande conférence internationale.

Scènes ouvertes

Ces liens privilégiés se poursuivront l'an prochain avec le début de la mise en réseau d'une vingtaine de salles au Québec (mais aussi à la Gaîté lyrique) grâce au logiciel Scenic de la SAT. Ce projet intitulé Scènes ouvertes prendra forme grâce à un «dispositif pour téléprésence événementielle et scénique» et un lien internet à très haut débit.

En gros, Scènes ouvertes permettra à des spectateurs de voir en même temps le même spectacle numérique, qu'ils soient au Petit Théâtre du Vieux Noranda, à Rouyn, à la Coopérative de solidarité Paradis, à Rimouski, à la TOHU, à Montréal, ou au café-théâtre Graffiti de Port-Cartier.

Scènes ouvertes fournira aussi un espace qui permettra à des diffuseurs et des producteurs de créer ensemble (et à distance) et de mettre en scène des oeuvres collaboratives. Outil culturel, cette mise en réseau trouvera aussi des applications dans les domaines universitaire, industriel, urbanistique ou du transport.

«C'est un bon coup de la stratégie numérique du Québec», a dit, hier au téléphone depuis Paris, Monique Savoie, fondatrice de la SAT et nouvelle directrice générale déléguée de la Gaîté lyrique. Pour Philippe Couillard, Scènes ouvertes va favoriser la diffusion de l'art numérique. «L'art numérique transforme la culture et assure une diffusion beaucoup plus large, dit-il. On va en plus pouvoir rejoindre les citoyens des régions.»

Redynamiser l'art numérique

Mais la culture numérique n'est pas encore très populaire au Québec. En fait-on assez pour la promouvoir? «La réputation de la SAT est très bien acquise dans les milieux culturels et numériques, mais moins auprès du grand public, alors il faut redynamiser cet aspect», indique M. Couillard.

Pour justement mener à bien son mandat, la SAT aimerait que Québec augmente la part de son financement (actuellement de 7 %). Philippe Couillard va se pencher sur le plan quinquennal de la SAT, mais rappelle son désir d'équilibre budgétaire et se dit satisfait de voir que la SAT a un financement «diversifié».

Monique Savoie affirme ne pas demander l'impossible. Quinze pour cent de financement public serait, dit-elle, raisonnable. «Nous demandons une aide spéciale temporaire de cinq ans pour propulser la SAT, ce qui représenterait 15 % du budget global à la fin de la cinquième année, dit-elle. Comme je dis souvent, si on veut pouvoir jouer dans les ligues majeures, il faut pouvoir habiller correctement la mariée.»

Les Québécois à Paris

La mariée québécoise vit en tout cas des heures glorieuses à Paris. Et la SAT n'est pas la seule, avec Dany Laferrière à l'Académie française, Xavier Dolan au zénith de la vénération, Wajdi Mouawad nommé directeur du théâtre national La Colline et Luc Plamondon de retour dans la Ville Lumière avec son Notre-Dame-de-Paris. Sans parler de la popularité des Coeur de pirate, Anthony Kavanagh, Gilbert Rozon, Anne Dorval, Isabelle Boulay et, bien sûr, Céline Dion.

«Je pense que les Québécois peuvent être fiers de leurs créateurs, dit Philippe Couillard. Et ce n'est pas tous les jours que l'on voit une institution aussi ancienne et prestigieuse que la Gaîté lyrique s'allier à des partenaires québécois pour six ans...»

Photo ALAIN JOCARD, archives agence France–Presse

Le président français François Hollande, à droite, et le premier ministre québécois Philippe Couillard avaient visité la Société des arts technologiques, en 2014.