Artiste du geste et du mouvement, Julie Favreau s'intéresse aux évocations plurielles que peut exprimer un interprète quand il interagit avec un objet, par exemple en dansant. L'artiste montréalaise expose au Musée des beaux-arts de Montréal le résultat d'une exploration menée sur ce sujet à la fois à la Fonderie Darling et en Écosse.

Il y a deux ans, Edinburgh Art Festival a choisi Julie Favreau pour exposer à la Scottish National Gallery of Modern Art. Elle a alors décidé de créer, pour le festival écossais, une autre de ses oeuvres à la fois chorégraphiques, plastiques et vidéographiques. Entendre: des sculptures, des vidéos et des performances.

Intitulée She Century, cette nouvelle création de la lauréate du prix Pierre-Ayot 2014 est constituée d'une vidéo de six minutes tournée en Écosse en 2014 et de sculptures réalisées par la suite à la Fonderie Darling où Julie Favreau était en résidence jusqu'à tout récemment.

Comme cette résidence était parrainée par le Musée des beaux-arts de Montréal, l'oeuvre est donc présentée actuellement dans une salle du musée de la rue Sherbrooke Ouest, et ce, jusqu'au 13 novembre, après l'avoir été en Écosse en août 2015. 

Fascinantes relations

Aux sources de She Century, on trouve l'envie, chez Julie Favreau, de poursuivre sa collaboration avec son artiste et danseuse de prédilection Caroline Dubois. Ensemble, elles ont cherché à établir une narration émanant de la mise en scène filmée d'une danseuse qui construit un récit en se servant d'une longue corde. On retrouve dans le film qui en a résulté la fascination qu'a Julie Favreau de plancher sur les relations que l'on établit avec nous-mêmes, avec les autres, un objet ou un lieu. 

Les images du film ont été tournées à Hospitalfield Arts, une école d'art d'Arbroath, près de Dundee, au nord d'Édimbourg, où Julie Favreau a réalisé une partie de son projet. Un site qui l'a inspirée à la fois pour son histoire et pour son savoir-faire dans les arts et métiers. 

She Century évoque une femme qui reproduit un mouvement fossile (jouer avec une corde) dans un lieu du XIXsiècle, siècle durant lequel, explique Julie Favreau, la femme bourgeoise a commencé à ne plus être seulement une mère et une épouse. Dans la vidéo, Caroline Dubois manipule la corde pour faire naître différentes significations. Ouvrir des portes, dirait Julie Favreau. Cela donne une série de gestes et de mouvements abstraits et poétiques. Sans la corde, on dirait du mime. Avec la corde, la danseuse fouette l'air ou forme sur le sol le dessin des fondations d'une construction fictive tandis que des personnages invisibles bougent mystérieusement des panneaux noirs dans le jardin.

Sculptures

De retour à la Fonderie Darling, Julie Favreau a complété son projet en réalisant des sculptures reliées en partie à l'architecture d'Hospitalfield, mais aussi en essayant, pour l'oeuvre Frise Machu P Board Labyrinth, de reproduire comment la corde aurait pu se cristalliser dans l'espace. Une sorte de dessin aérien, comme celui que Caroline Dubois trace avec sa corde sur le gazon. 

Dans la salle du musée, l'artiste a mis en espace ses pièces artistiques comme si elle scénographiait un jardin, les agençant de telle sorte que le champ de vision est au niveau des épaules ou plus bas. Elle présente des photos de sa série Colors to Black dont elle avait donné un aperçu, l'automne dernier, lors d'une expo collective à la galerie Battat Contemporary. Et elle a ajouté une sculpture vidéographique, Hunting at Night, qui fait penser à un écran cathodique, mais ce sont des images projetées sur une feuille d'acrylique. Très sombre, cette vidéo de 1 min 31 s montre Caroline Dubois fouetter les feuilles avec sa corde et danser dans un crépuscule pénétré du cri des grillons. 

She Century, de Julie Favreau, au Musée des beaux-arts de Montréal (1380, rue Sherbrooke Ouest), jusqu'au 13 novembre

Delicat Pulse

On peut poursuivre notre approfondissement du vocabulaire poétique de Julie Favreau à la Fonderie Darling. Elle y présente, jusqu'au 27 novembre, un corpus, Delicat Pulse, qui occupe la salle principale du centre d'art de la rue Ottawa. Avec, sur grand écran central, la projection d'un film très sculptural. Au-dessus de l'écran, une grande sculpture horizontale est en suspension dans les airs. Et une série de photographies empreintes de nostalgie et de sensualité est accrochée. Il y aura aussi des performances, notamment de Julie Favreau et de la chorégraphe et performeuse israélienne Adva Zakaï.

PHOTO JULIE FAVREAU, FOURNIE PAR LE MUSÉE DES BEAUX-ARTS DE MONTRÉAL

Chasse, 2015, de Julie Favreau, impression à jet d'encre, 43,18 cm x 63,50 cm. Collection de l'artiste.