À l'occasion du quinzième anniversaire du 11-Septembre, le musée dédié aux attentats à New York a fait entrer l'art dans ses murs, pour raconter autrement le souvenir de cette journée.

Une exposition, Rendering the Unthinkable s'y ouvre le 12 septembre, au lendemain de la date anniversaire, avec treize oeuvres d'artistes locaux reconnus, présentant peintures, vidéos ainsi qu'une sculpture. Tous ont en commun d'avoir vécu, chacun à leur façon, les attentats. L'un d'eux y a même perdu un frère pompier, dont le corps n'a jamais été retrouvé.

Mais n'attendez pas de toiles violentes ou de représentations douloureuses. L'art a fait son chemin dans les souvenirs, apaisé la souffrance et apprivoisé l'histoire, désormais partie de l'ADN new-yorkais.

Certains, comme Ejay Weiss, ont utilisé des cendres de Ground Zero pour les incorporer à quatre peintures à l'acrylique, qui subliment le chaos, avec en leur centre des carrés de ciel bleu: celui dont se souviennent encore les New-Yorkais le matin de l'écroulement des tours jumelles qui avait tué 2753 personnes.

Quelques jours après le 11 septembre 2001, Manju Shandler avait commencé à peindre des pièces de 10 cm sur 22, pour représenter chacune des victimes des attentats. «Au début on ne savait même pas combien elles étaient», se souvient-elle. Elle en peindra près de 3000, dont 850 sont rassemblées en une immense fresque dans le cadre de l'exposition. Certaines représentations sont directement nourries de photos des victimes. D'autres vignettes sont plus stylisées, montrant un homme aux cheveux en feu, une silhouette, un serpent...

«Il n'y a pas de corrélation directe avec chacune des victimes», reconnaît-elle.

Il lui a fallu trois ans pour finaliser son projet. «C'était une façon de dépasser la peine, c'était cathartique», explique-t-elle. Elle se dit très honorée de faire partie de l'exposition. «L'art apporte un sentiment d'empathie, il ne parle pas à la même partie du cerveau».

«Contrepoint»

Christopher Saucedo avait deux frères pompiers, l'un d'eux disparu à jamais dans l'effondrement des tours. Sculpteur, il travaillait avec de l'acier et autres métaux lourds. Mais pas question pour lui, après le 11-Septembre, de travailler avec les mêmes matériaux que ceux des carcasses suppliciées du World Trade Center. Il a pressé du lin blanc sur des rectangles de papier mâché bleu, et de là sont nées des compositions éthérées, presque réconfortantes, où semble flotter le World Trade Center.

Dans l'exposition, figure aussi une vidéo du collectif Blue Man Group, inspirée des feuilles de papier, lettres, et autres documents qui après les attentats avaient volé jusque dans leur cour à Brooklyn.

Et une statue de bronze d'une femme tombant à terre, la main tendue, se veut un hommage aux morts et aux vivants.

Cette fenêtre sur l'art né du 11-Septembre a été pensée comme «un contrepoint» au reste du musée, explique Alice Greenwald, sa directrice.

Autant le musée est historique, didactique, racontant l'histoire de la journée et celles des gens qui l'ont vécue ou y sont morts, autant «Rendering the Unthinkable» est «intime et limitée». «C'est un espace très contemplatif», précise-t-elle à l'AFP, lors d'une visite organisée pour la presse.

L'exposition offre «une autre façon de se souvenir des événements d'il y a 15 ans» et des émotions vécues.

Depuis son ouverture en mai 2014, le musée du 11-Septembre, construit sur le site même des attentats dans le sud de Manhattan, a accueilli presque 7 millions de visiteurs, selon son président Joe Daniels.