Yann Pocreau présente au Musée d'art contemporain des Laurentides, à Saint-Jérôme, le deuxième volet de sa recherche photographique intitulée Sur les lieux. Un déploiement de travaux réalisés sur la lumière étudiée en tant qu'outil de création formelle. Fouillées, ses oeuvres révèlent la complexité et, en même temps, la plasticité de la nature.

«Le noir contient bien plus que l'absence», affirme Yann Pocreau. Pour son exposition dans la cité des Laurentides, l'artiste montréalais a dû être inspiré par Apollon, dieu des arts et de la lumière...

Il s'agit du deuxième volet de sa démarche consacrée à la qualité plastique de la lumière. L'hiver dernier, il a dévoilé un premier volet de cette recherche au centre d'exposition Expression, à Saint-Hyacinthe. À Saint-Jérôme, il explore maintenant «l'écriture de la lumière».

Destinée aux amateurs d'art expérimental, cette expo enchantera les plus pointus d'entre eux. 

L'exposition traite de couleurs spectrales et de cet univers qui s'ouvre à soi quand on transforme la réalité par des techniques physiques (pliage, torsion, grattage) ou optiques (exposition plus ou moins longue à la lumière).

Variations progressives

Il en résulte des oeuvres qui vont de la figuration géométrique jusqu'aux abstractions chromatiques. On en vient ainsi à oublier qu'on a affaire à une image. C'est le cas de ses Variations progressives - des épreuves à développement chromogène ou argentique - qui ont des airs de peinture. Pour les réaliser, Yann Pocreau a joué avec le potentiel «vivant» du papier photo, soit les variations de ses caractéristiques. Il parvient ainsi à obtenir des résultats différents et évolutifs. Les Variations progressives sont présentées sur deux papiers photo différents, de même teinte, côte à côte dans un seul cadre. Au fur et à mesure que le temps passe, le papier de gauche s'obscurcit par rapport à celui de droite: par exemple, bleu foncé/bleu clair ou brun foncé/châtain clair.

Avec Repli 1, impression sur papier adhésif de près de 5 m de hauteur fixée au mur, on croit retrouver le travail documentaire et narratif de Michel Campeau. Si cette oeuvre éphémère et imposante n'a pas été créée en écho à l'artiste pour lequel Yann Pocreau a beaucoup d'admiration, on sent quand même que la démarche du photographe montréalais l'habite. «Ça marque sûrement mon imaginaire», convient Yann Pocreau.

Oeuvre carbonée

Les relations entre la matière et la lumière sont illustrées dans l'exposition avec l'oeuvre Les espaces négatifs, un grand socle (1,83 m de longueur, 1,22 m de largeur et 71 cm de hauteur) dans lequel l'artiste a découpé des espaces creux de la taille d'un papier photo d'usage courant. Il les a recouverts d'une bonne épaisseur de poudre de carbone, une substance graphitique qui absorbe pratiquement toutes les radiations lumineuses à cause de ses électrons libres. Cela donne une surface dont le noir est si intense qu'on a du mal à y percevoir les détails du relief.

L'exposition comprend aussi l'installation Projection, une animation qu'il avait présentée en 2013 à la Fonderie Darling. L'artiste a gratté, avec une certaine ascèse, les milliers d'images d'une pellicule qui montre une photo de la rosace de l'église parisienne de la Sainte-Chapelle. La lumière du jour est ainsi incarnée par celle, artificielle, du projecteur.

Noir poétique

Enfin, dans une chambre totalement noire, Yann Pocreau présente La lumière noire, une oeuvre originale et apaisante. Les images de diapositives noires à 99 % sont diffusées sur un mur, au moyen de deux projecteurs. On met un certain temps à s'habituer à l'obscurité de la pièce. Puis, on distingue les variations de texture à peine visibles des 160 diapos projetées 2 par 2 avant de constater que quelques rais de lumière sont dispersés dans la pièce. Des halos blanchâtres qui écrivent blanc sur noir la réalité de la lumière. Et qui ajoutent un brin de poésie et de mystère à cette exposition qui, tout en délicatesse, éclaire le côté sublime de la nature.

Yann Pocreau créera un troisième volet de Sur les lieux en 2017. Il prendra la forme d'un livre qui évoquera les deux premiers volets tout en présentant des oeuvres inédites.

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Au Musée d'art contemporain des Laurentides (101, place du Curé-Labelle, Saint-Jérôme) jusqu'au 20 août

Photo Lucien Lisabelle, fournie par le Musée d’art contemporain des Laurentides

Épreuves à développement chromogène ou argentique noir et blanc, les Variations progressives de Yann Pocreau ont des airs de peinture et sont des œuvres dont la couleur (partie gauche des trois double cadres) évolue avec le temps.