Le collectionneur chinois Liu Yiqian ne se contentera pas du Nu couché de Modigliani qu'il vient de s'offrir: il vise désormais bien d'autres chefs-d'oeuvre occidentaux car il est de sa «responsabilité sociale» de montrer l'art à ses compatriotes.

Dans un entretien à l'AFP, l'ancien chauffeur de taxi devenu milliardaire explique que son ambition est de faire entrer dans le Long Museum qu'il a fondé à Shanghaï un maximum d'oeuvres occidentales.

«Nous sommes dans un monde globalisé», explique-t-il à l'AFP à Hong Kong. «Notre collection comprend principalement des oeuvres d'art chinois traditionnel mais nous allons l'élargir aux travaux occidentaux et asiatiques.»

Jusqu'alors un quasi-inconnu hors de Chine, Liu Yiqian a stupéfait le monde des collectionneurs en achetant en novembre chez Christie's à New York le Nu couché pour plus de 170 millions de dollars.

La peinture était devenue la deuxième toile la plus chère au monde jamais vendue sous le marteau après Les femmes d'Alger (version O) de Picasso, adjugée pour 179,4 millions de dollars.

Le Modigliani devrait être exposé l'an prochain à Shanghaï.

Auparavant, le quinquagénaire s'était toujours intéressé aux oeuvres chinoises.

Il avait créé un mini-scandale sur les réseaux sociaux chinois en se faisant photographier en train de boire le thé dans une délicate tasse en porcelaine de l'époque Ming, finement décorée de coqs et de poules, qu'il venait d'acquérir pour un peu plus de 36 millions de dollars.

Peu importe où sont les oeuvres

«Ce n'était pas pour frimer», confie-t-il en buvant son thé dans une tasse cette fois beaucoup moins précieuse. «J'étais juste moi-même.»

Président du groupe Sunline, Liu Yiqian est doté d'une fortune estimée à 1,38 milliard de dollars par le magazine Forbes et figure à ce titre parmi les super-riches de la Chine communiste.

Il a bâti son empire d'abord en jouant à la Bourse naissante de Shanghai dans les années 1990 pour se retrouver aujourd'hui, via notamment la finance et l'immobilier, à la tête d'un énorme conglomérat aux activités très diversifiées, incluant chimie et pharmacie.

En avril 2015, le milliardaire s'était offert pour 14,7 millions de dollars un vase bleu de l'époque Song, vieux de 800 ans. Le mois précédent, il avait acquis pour 14 millions de dollars un recueil de calligraphies bouddhistes de l'époque Ming.

Il a justifié certaines de ces acquisitions en invoquant une forme de patriotisme: restituer à la Chine des objets qui avaient été pillés.

En 2014 aussi, M. Liu a payé un prix record - 45 millions de dollars - pour un tangka tibétain sur toile du XVe siècle, également présenté comme un rapatriement du patrimoine chinois.

Il semble quelque peu revenu de cette quête pour la mère-patrie.

«Nous ne devrions pas trop être obsédé par le fait que les antiquités chinoises sont éparpillées à l'étranger», déclare-t-il.

«L'important n'est pas où elles sont. L'important est qu'elles soient préservées.»

Le personnage s'est parfois retrouvé pris dans des controverses, comme lors de son acquisition, pour 8,2 millions de dollars, d'un rouleau censé être daté de la dynastie des Song (960-1279): un faux, en réalité, ont conclu des experts chinois réputés.

«J'espère parvenir à acquérir pendant ma vie d'autres oeuvres, à la fois de Chine et d'Occident», explique M. Liu.

«Au-delà des oeuvres chinoises contemporaines et traditionnelles, les jeunes générations en Chine commencent à développer un intérêt pour les oeuvres occidentales», estime-t-il. «J'espère que les oeuvres occidentales pourront être exposées à Shanghai ou ailleurs en Chine.»