Cinquante ans après la marche entre Selma et Montgomery organisée par Martin Luther King et le mouvement pour les droits civiques, la New York Historical Society présente jusqu'au 19 avril les photos d'un jeune étudiant qui ont inspiré et influencé le film Selma d'Ava DuVernay.

En mars 1965, Stephen Somerstein était âgé de 24 ans et étudiait au City College de New York. Responsable des photos du journal de son campus, il s'est rendu en Alabama pour couvrir ce qui allait devenir un tournant dans l'histoire des droits civiques aux États-Unis: la marche entre Selma et Montgomery.

Armé de cinq appareils photo, le jeune photographe n'avait qu'une dizaine de rouleaux de film sur lui, soit à peine de quoi faire 400 clichés (c'était bien avant l'ère du numérique et d'Instagram). «Chaque image que je prenais devait être parfaite», a expliqué le physicien à la retraite de 74 ans lors de la présentation d'une cinquantaine de ses photographies à la New York Historical Society en janvier.

Gros plans et plans d'ensemble

Intitulée Freedom Journey 1965: Photographs of the Selma to Montgomery March by Stephen Somerstein, l'expo présente tout à la fois des gros plans des leaders des droits civiques (Martin Luther King, Jr., James Baldwin, John Lewis, Rosa Parks, Joan Baez, etc.), de nombreux manifestants anonymes et des spectateurs massés sur les bas-côtés.

«Quand le docteur King a appelé les Américains à le rejoindre dans une marche de protestation vers Montgomery, je savais qu'un moment historique se déroulait et j'ai voulu capter sa puissance et sa signification avec mon appareil photo», indique Stephen Somerstein.

Moment charnière dans l'histoire des droits civiques, les trois marches de mars 1965 (dont deux avortées) avaient été organisées afin que le droit de vote des Noirs soit enfin respecté.

Comme le rappelle tristement le film Selma, en nomination pour l'Oscar du meilleur long métrage, la première tentative de marche entre Selma et Montgomery, le 7 mars 1965, s'était soldée par un bain de sang. Les autorités policières de l'État avaient alors brutalisé les marcheurs.

À l'appel du docteur King, des milliers de membres du clergé, des syndicalistes et une foule anonyme avaient ensuite grossi les rangs des militants qui ont finalement pu atteindre la capitale de l'Alabama le 25 mars 1965.

De quelques centaines au départ de Selma, ils furent plus de 20 000 à écouter le célèbre discours How Long? Not Long de Martin Luther King au pied des marches du Capitole à Montgomery.

Façonner l'histoire

Stephen Somerstein, lui, a rejoint le mouvement le 24 mars à St. Jude en compagnie de quelques étudiants partis de New York en autocar.

Si ses photos montrant Martin Luther King, Jr. et les leaders des droits civiques sont admirables, ses clichés les plus exceptionnels sont ceux des manifestants et des spectateurs massés sur les trottoirs.

Ces derniers rappellent que le mouvement des droits civiques n'était pas seulement le fait d'une poignée de leaders, mais le fruit d'une mobilisation massive. On y voit des mères de famille, des grands-pères, des enfants, des hommes en t-shirt ou en complet, des nonnes, des prêtres.

L'attitude hostile de certains spectateurs blancs tranche avec la résolution des manifestants pacifiquement ordonnés.

Historiques, les photos du jeune étudiant ont d'ailleurs inspiré Ava DuVernay, réalisatrice du film Selma. Stephen Somerstein lui a ainsi donné accès à ses clichés. L'affiche du film, montrant Martin Luther King de dos face à des policiers, fait ainsi directement écho à une photo de Somerstein montrant le docteur King, de dos, devant la foule en bas des marches du Capitole.

À la New York Historical Society jusqu'au 19 avril.