Un cou fendu comme un pamplemousse, un oeil sur le revers de la main, des barreaux sur le crâne: avec son pinceau, Hikaru Cho, jeune artiste d'origine chinoise vivant au Japon, redessine le corps avec un hyperréalisme dérangeant inspiré par un seul leitmotiv: «sortir de l'ordinaire».

Si l'on est troublé par les oeuvres corporelles de cette femme de 21 ans, c'est qu'elles sont étonnantes de relief et d'authenticité picturale alors que ce qu'elles représentent est totalement invraisemblable.

«Je crée de l'illusion en trois dimensions», confie celle qui, en jouant avec les ombres et couleurs, parvient à donner un sens captivant tridimensionnel à ses réalisations qui ne sont pas sans rappeler l'hyperréalisme, courant américain des années 1960 où l'extrême minutie et la précision trompe-l'oeil dépassent l'imitation réaliste.

«Ceci est quelque chose de totalement impossible dans la vraie vie. Je veux que les spectateurs de mon art s'interrogent sur ce qu'ils considèrent généralement comme normal», explique-t-elle à l'AFP.

Au départ, le geste apparaît grossier, le trait banal, mais à l'arrivée c'est époustouflant: les objets dessinés à plat sortent littéralement du corps, et ses images de dos ouvert par une fermeture éclair ou de visage d'homme écartant de l'intérieur le bas-ventre d'une femme ne sont pas à mettre sous tous les yeux.

«J'aime bien étonner les gens, quitte à les choquer parfois. J'ai la sensation alors de leur secouer le coeur», déclarait-elle en début d'année à la télévision.

Son ambition: une peinture intégrale de la tête aux pieds.

Des images et autant de messages

Hikaru Cho, de parents chinois, est née en 1993 à Tokyo.

La peinture sur corps, elle s'y est mise par hasard, à 18 ans. Un jour, chez elle, en cherchant sur quoi peindre et ne trouvant alors pas de papier, elle jeta son dévolu sur sa main et y traça un oeil. Et cela fit sensation.

Elle émergea ensuite sur la scène artistique de Tokyo sous le nom de Choo-san l'année de son entrée à l'Université d'Art de Musashino, en 2012.

Son aura, elle la doit à internet et à la photo numérique qui gardent trace de ses réalisations, car elles disparaissent presque plus vite qu'elles n'ont été créées.

«Dès que je termine, l'oeuvre commence à se détériorer car elle sèche», explique sans sembler le déplorer la demoiselle qui passe parfois sept heures sur une peinture.

Des journaux et télés du monde entier se sont déjà penchés sur le travail pour le moins déroutant de cette étudiante qui s'inscrit dans la lignée des Gesine Marwedel (peintre sur corps qui allie à merveille dessins et postures) et de la créatrice new-yorkaise Jessica Walsh (experte des figures géométriques corporelles en noir et blanc).

«Je suis très surprise que l'on s'intéresse autant et de si loin à mes réalisations, cela me fait presque peur», se plaît-elle à dire aux médias étrangers.

À une incontestable maîtrise technique du dessin, que révèlent non seulement ses peintures acryliques sur peau mais aussi ses tracés aux crayons de couleur, elle ajoute l'art de la mise en scène en animant ses créations par «stop motion», un procédé numérique d'enchaînement de vues fixes successives prises au fur et à mesure de l'avancée de ses peintures. Et ce, non sans y mêler des éléments réels ou utiliser des fonds qui rendent l'illusion encore plus stupéfiante.

Et, ajoute-elle, ses images sont des messages.

On lui doit ainsi de provocantes affiches et vidéos pour Amnesty International où, entre autres scènes, elle déstructure et perce un torse, un cou et un visage, dans le cadre d'une campagne intitulée «My Body, my Rights».

«Vous avez le droit de choisir la personne que vous aimez, de décider d'avoir ou non des enfants, de recevoir des informations sur la sexualité, de bénéficier de soins de santé, de vivre à l'abri de la violence sexuelle. J'espère que mes oeuvres pourront aider la jeunesse du monde entier à parler de ces droits», avait alors déclaré Hikaru Cho.