DHC/ART propose deux expositions dissemblables et étonnantes à ne pas rater. L'artiste irlandais Richard Mosse nous plonge dans le chaos qui règne en République démocratique du Congo avec The Enclave. Pour sa part, Surface Tension inventorie le traitement de l'illusion par la photographe française Valérie Belin.

Quand on apprend que plus de 5,4 millions de personnes sont mortes à cause du conflit en République démocratique du Congo depuis 1998, on reste interdit. Voilà une guerre civile qui ne fait pas les manchettes. Et pourtant...

Richard Mosse s'est rendu dans ce pays africain pour y rencontrer des bandes de rebelles armés qui vivent dans les enclaves du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, où règnent la loi des armes, l'anarchie et la corruption.

L'artiste casse-cou en est revenu avec des photos et un film de 39 minutes saisissants qu'il a développés avec une pellicule infrarouge Kodak Aerochrome, ce qui transforme tout ce qui est vert en rose et fuchsia. Compte tenu de la luxuriance de la végétation locale, ce sont les couleurs dominantes de ses oeuvres.

Du coup, on a l'impression de se trouver dans un paysage irréel. Mais les images d'hommes, de femmes et d'enfants qui souffrent sont bel et bien réelles. Un avertissement est d'ailleurs affiché à l'entrée de la salle à l'intention des âmes sensibles et des parents accompagnés d'enfants.

Le film de Richard Mosse est présenté sur six écrans suspendus dans une salle sombre, permettant de contempler le drame selon différents points de vue. Le camp de réfugiés de Rubaya et ses milliers de huttes recouvertes d'une toile blanche. Un bébé qui lutte pour sa vie dans son lit. Des cadavres de soldats dans un fossé. Une profusion d'armes dont on se demande d'où elles proviennent. Des enfants-soldats qui ne vont pas à l'école. Mais aussi des jeunes qui dansent et cet enfant qui chante une berceuse... qui parle de faim, de soif et de morts «découpés avec des couteaux».

Un reportage courageux et fort, créé avec la collaboration de Ben Frost pour la bande sonore, qui marque l'engagement d'un artiste à informer le monde du désastre humain qui perdure dans ce pays d'Afrique centrale... où le virus Ebola a fait son apparition. Richard Mosse y retournera d'ailleurs l'été prochain.

Surface tension

Beaucoup plus tranquille est la présentation des oeuvres de Valérie Belin. La grande photographe française de l'artifice est de retour à Montréal après son expo chez Vox en 2000. Elle présente à DHC/ART et au Centre Phi une quarantaine d'images, la plupart de grand format, réalisées depuis 2002 et présentées selon le fil conducteur de la «tension superficielle».

On peut apprécier ses moteurs qui ressemblent à des insectes, voire à des organes cernés par un système vasculaire. Avec ses mannequins en plastique moulés à partir de véritables modèles, on est dans l'ambivalence la plus totale. C'est seulement en s'approchant des photos qu'on découvre que ces femmes sont des objets peints à la main.

À partir de 2006, Valérie Belin a utilisé Photoshop et la couleur hyper saturée. Cela a donné notamment des corbeilles de fruits dont on se demande s'ils sont réels. En 2010, elle est revenue au noir et blanc avec sa série des Black Eyed Susan, des clichés de danseuses imbriquées numériquement avec toutes sortes d'objets. Elle a prolongé cette approche en 2012 avec ses Bob, des images kitsch de modèles féminins dans lesquelles les femmes sont superposées à des fleurs.

Récemment, elle a photographié de vrais intérieurs d'appartements, chez des gens qui accumulent des objets de façon pathologique. Terrifiant! Mais moins intense qu'une enclave du Congo...

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À DHC/ART, 451 et 465, rue Saint-Jean, jusqu'au 8 février