Changer le statut du Musée d'art contemporain de Montréal pour le rendre «semi-privé», soit dans la même catégorie que le Musée des beaux-arts de Montréal, l'idée exprimée dans La Presse, hier, par le président du MAC, Alexandre Taillefer, a entraîné des réactions d'ouverture et des réserves.

Si la ministre de la Culture et des Communications, Hélène David, n'a pas souhaité commenter la proposition d'Alexandre Taillefer, le milieu des arts visuels a commencé à réagir, hier. Avec une certaine prudence, mais intérêt.

Grand collectionneur d'art, l'avocat Maurice Forget rappelle qu'il a déjà prôné une «semi-privatisation» du musée. «Il m'a toujours semblé qu'un musée d'État, reflet de la gloire d'une nation, doit être subventionné à l'avenant, faute de quoi l'appartenance à l'appareil de l'État est un fardeau», dit-il.

M. Forget estime qu'il «s'était installé au MAC des façons de faire et d'être qui étaient loin de l'entrepreneuriat enthousiaste que l'on recherche maintenant partout et que les réformes Couillard rendront sans doute encore plus nécessaire». «Ce n'est pas pour rien que le don de ma collection personnelle en 1995 a été dirigé vers le Musée d'art de Joliette, il y avait dans ce musée de taille modeste un véritable «appétit des dons» que je ne trouvais pas au MAC», glisse-t-il.

De son côté, le collectionneur d'art contemporain, François Odermatt, est prêt à suivre la proposition Taillefer. «J'ai entièrement confiance en Alexandre comme en Nathalie Bondil (la directrice générale du MBAM), dit-il. Ils ont tous les deux fait leurs preuves.»

En crise

Sans se prononcer sur la proposition Taillefer, Émilie Grandmont Bérubé, directrice de la galerie Trois Points, n'est pas en faveur d'un statu quo.

«Nos institutions muséales sont en crise, dit-elle. Elles l'ont clairement communiqué. Les budgets d'acquisitions souffrent grandement des compressions budgétaires que subissent les musées, affectant tout un écosystème, tant les artistes que les galeristes. Je crois que collectivement, nous avons besoin de réfléchir différemment et de trouver des pistes de solution pour soutenir notre culture de manière durable.»

Le peintre Marc Séguin, membre honoraire du conseil d'administration du MAC, n'ira pas «tenir de bouclier pour ou contre cette idée».

«Le fin fond de l'affaire, dit-il, c'est qu'on veut que le Musée présente de l'art, et qu'il puisse survivre et s'arrimer aux réalités. Je me fous pas mal du modèle, c'est l'envie et le désir d'y aller qui m'importent.»

Des réserves

Caroline Andrieux, âme de la Fonderie Darling, est partagée sur le changement de statut. «Je trouve que la beauté de Montréal, c'est sa diversité, dit-elle d'abord. Cela se reflète très bien en terme culturel et vouloir mettre les deux plus grands musées montréalais de la même couleur n'irait pas dans ce sens et enverrait un message de «platitude» tant aux citoyens qu'au rayonnement international.»

Mais elle ajoute: «Considérant la puissance qu'a le MAC à générer des fonds privés grâce à son statut de musée et la situation des finances publiques actuelles, je crois que de privatiser une partie serait peut-être une solution. Bien que j'aie quelques réserves, car j'ai vécu l'ingérence de membres de mon C.A. croyant que l'argent achète tout!»

Finalement, Anne-Marie Ninacs, professeure à l'École des arts visuels et médiatiques de l'UQAM est opposée au changement de statut.

«Depuis son arrivée à la présidence du Musée d'art contemporain, Alexandre Taillefer se comporte en propriétaire du bien public qui lui est confié. Je n'ose imaginer ce qu'une telle prise de pouvoir individuelle intéressée deviendrait si le gouvernement devait lui permettre de privatiser le MAC. Je suis donc très clairement contre sa proposition: je tiens au mandat d'émancipation sociale de nos institutions nationales, qui va de pair avec leur structure financière.»