La nouvelle galerie de René Blouin, au 10, rue King, résonne jusqu'au 23 novembre des bruits et des fruits des dernières réflexions de Pascal Grandmaison. La limite de l'écho est une exploration du finaliste du Sobey 2013 sur la nature, la Terre, la vie. Avec lentille, caméra et silicate de calcium.

«Ce jardin de l'autre côté de la fenêtre, je n'en vois que les murs. Et ces quelques feuillages où coule la lumière. Plus haut, c'est encore les feuillages. Plus haut, c'est le soleil. Et de toute cette jubilation de l'air que l'on sent au dehors, de toute cette joie épandue sur le monde, je ne perçois que des ombres de feuillages qui jouent sur les rideaux blancs.»

Cette trame poétique est tirée des Carnets d'Albert Camus. Les mots que l'humaniste français a couchés sur le papier en 1936 ont inspiré la nouvelle production de Pascal Grandmaison. Ils ont retenti en lui comme l'écho d'un regard, celui qu'il porte chaque jour sur le ciel monochrome aux teintes changeantes. Du coup, souhaitant explorer la relation que l'humain entretient avec la nature, il a élaboré une série d'oeuvres comprenant des photographies, deux vidéos et des plaques de plâtre.

Grandmaison a créé l'été dernier une série de huit plaques en plâtre, bicolores, d'environ 70 po sur 50 po et 350 lb chacune. Ces plaques appuyées contre le mur dans la galerie ont été réalisées à plat, dans un moule, après qu'une épaisseur de plâtre blanc fut venue, par osmose, lentement imprégner un volume de plâtre pigmenté en bleu. Les deux zones séparées par un morceau de bois sont entrées en contact puis le tout s'est figé.

«Pour moi, c'était une façon de matérialiser, en studio, ma vision du ciel par un geste artistique que je ne contrôlais pas vraiment à cause de la condensation, de phénomènes chimiques et de la chaleur du plâtre», dit l'artiste de 38 ans.

Travail conceptuel

Le résultat de ce travail conceptuel n'est pas d'un esthétisme foudroyant, mais on comprend le sens du geste. Tout comme avec son film Nostalgie # 1 inspiré lui aussi de Camus et de son essai Le mythe de Sisyphe. La pierre qui sans cesse retombe en bas de la montagne et le cycle routinier de la vie, Pascal Grandmaison les a objectivés en filmant une roche attachée à une corde que tient une main mystérieuse. Mais c'est la roche qui tire l'inconnu dans ce film inversé, lui rendant sa liberté tout en l'agrippant.

Présentée en même temps au Fresnoy, en France, la deuxième vidéo de l'exposition, La main du rêve, procède de la même technique d'image inversée. Tourné l'an dernier près de Morin-Heights avec une caméra capturant 300 images par seconde, le film de 45 minutes est la pièce maîtresse de l'expo.

Une main invisible fouille au ralenti dans des feuilles avec un bâton et remue des arbres. Mais la gravité terrestre a disparu: les feuilles montent au ciel! La quiétude du sous-bois organique est troublée et le ralenti nous entraîne dans une danse mystérieuse, telle une suspension aquatique.

Les images surréalistes prennent une dimension de contemplation grâce à la bande sonore conçue avec un algorithme informatique qui a transformé des coups portés sur du bois, du métal ou du caoutchouc en sons énigmatiques, une sorte d'écho qui se moule à l'ambiance de cette incursion en apesanteur dans un univers forestier qui semble respirer.

Grottes

La limite de l'écho, c'est aussi le son qui se réfléchit sur les murs d'une cavité. Pascal Grandmaison a visité les immenses grottes de Cacahuamilpa, près de Taxco, au Mexique.

Il en est revenu avec des images qui interrogent la façon d'éclairer ces espaces souterrains quand l'obscurité est totale, la végétation absente mais la vie si présente grâce à la lente sédimentation des minéraux contenus dans l'eau qui percole dans cet environnement caché.

Ses photos ont un intérêt géologique et artistique avec les formes des concrétions calcaires: ces stalactites effilées, dodues ou drapées comme du tissu et ces énormes stalagmites qui grandissent, goutte après goutte, de bas en haut, pendant des milliers d'années pour acquérir la forme de bouteilles de champagne.

Les images de Pascal Grandmaison marquent la réalité et la transformation du paysage terrestre, qu'il soit de surface ou sous-jacent. La métamorphose du va et vient. Création, destruction. Le cycle de la vie depuis l'origine des temps. En observateur attentif qui sait concevoir en synthétisant, l'artiste montréalais réverbère les souffles de la vie, qu'elle soit atmosphérique ou abyssale, avec une sensibilité qui l'honore. Une démarche à la résonance vitale.

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La limite de l'écho, de Pascal Grandmaison, Galerie René Blouin jusqu'au 23 novembre.