Prenez 26 tableaux valant au total 17 millions d'euros et exposez-les dans des écoles pendant une journée: l'initiative s'apparentant a priori à un casse-tête s'est avéré un franc succès, selon les organisateurs britanniques du projet enchantés par la réaction des élèves.

Des chefs-d'oeuvre de Monet, Turner ou Lowry font partie des tableaux mis ce mois-ci à la disposition d'écoles anglaises, afin de rendre l'art accessible au plus grand nombre.

Au collège Addey and Stanhope, une école publique et multiethnique du sud de Londres, les jeunes de 11 et 12 ans ont passé des semaines à étudier Lady Byzantine, un portrait datant de 1912 réalisé par l'artiste britannique Vanessa Bell.

Ils ignoraient totalement qu'en arrivant à l'école mardi matin, ils y découvriraient l'oeuvre amenée par un expert en gants blancs.

Voir leur étonnement «a donné l'impression d'un avant-goût de Noël», a confié un professeur.

«Tout le monde disait «Oh mon dieu, oh mon dieu!»», a expliqué, extatique, Holly, 11 ans, alors que ses camarades tournaient autour du tableau. «J'ai eu la chair de poule quand je l'ai vu», a-t-elle ajouté.

Le coût des assurances de ce projet intitulé Chefs-d'oeuvre à l'école, soutenu par la BBC, n'a pas été révélé. Pour des raisons de sécurité, les organisateurs ne sont pas autorisés à donner le nom des toiles ou des écoles dans lesquelles elles sont exposées, tant que les oeuvres ne sont pas de retour dans leurs musées respectifs.

«Tout d'abord, ce tableau vaut énormément d'argent. Vous ne le touchez pas», ordonne l'enseignant, Matthew Teager, à un groupe de garçons et filles ébahis.

S'il vous plaît, est-ce qu'on peut avoir un chef-d'oeuvre?

Les élèves avaient passé des heures à dessiner leur propre version du portrait. Ils ont également appris l'histoire du modèle, l'impératrice Théodora, qui remonte au VIe siècle, ainsi que celle du peintre, soeur de Virginia Woolf et comme elle membre du Bloomsbury Group avec J.M. Keynes et E.M. Forster au début du XXe siècle.

Appartenant à la collection d'art du gouvernement, Lady Byzantine avait déjà orné les murs de ministères et d'ambassades.

Pour Matthew Teager, enseignant dans cette école où un tiers des élèves ont une autre langue maternelle que l'anglais, le projet cherche à initier à l'art des enfants qui ont peu de chances de se rendre dans des musées ou galeries.

«Cela vise à inspirer des enfants d'origines culturelles diverses, et les amener à se dire: «En fait, je peux aller voir ça»», dit-il à l'AFP.

Lady Byzantine a égayé les leçons d'anglais, d'histoire et d'arts plastiques. Lorsque des questions leur sont posées sur l'Empire byzantin, une forêt de doigts se lève chaque fois.

«Je pensais que ça allait être ennuyeux mais ça rend l'apprentissage de l'histoire plus intéressant», confie Rahida, 12 ans.

Comme nombre de ses camarades, elle dit vouloir maintenant aller découvrir d'autres tableaux dans les musées londoniens dont l'entrée est généralement gratuite.

The Public Catalogue Foundation, une association qui a mis en place ce projet avec la BBC, a précisé que la plupart des tableaux provenaient de musées proches des écoles, afin de permettre aux élèves de retourner les voir.

La Lady Byzantine, retournera, elle, dans la collection privée du gouvernement.

«C'est vraiment agréable de voir leur visage s'illuminer», a confié à l'AFP Rachel Collings, l'une des responsables de la Public Catalogue Foundation. Elle a émis le voeu de renouveler l'expérience l'année prochaine.

«Il y a sans aucun doute une demande pour ça. Nous avons eu 50 autres écoles qui ont appelé en disant: «S'il vous plaît, pouvons-nous avoir un chef-d'oeuvre?», a-t-elle ajouté.

Le projet a également suscité des vocations: Ava, 11 ans a ainsi confié que la Lady Byzantine lui avait donné envie de devenir une artiste.

«Je veux qu'il reste ici», dit-elle en regardant le tableau avec envie. «Il est si beau. Nous devrions peut-être demander si nous pouvons le garder», répète-t-elle avec l'innocence et l'obstination de son âge.