Le peintre Marcel Barbeau et la commissaire et critique d'art Chantal Pontbriand font partie des sept lauréats des Prix du Gouverneur général en arts visuels et en arts médiatiques de 2013.

Le signataire du Refus global de 1948 a reçu ce prix (accompagné d'une bourse de 25 000 $ du Conseil des arts du Canada) avec beaucoup d'émotion. «Un prix, c'est un peu la reconnaissance d'une oeuvre accomplie, a dit Marcel Barbeau à La Presse. Cela fait des années que j'expérimente, que je m'ouvre à de nouveaux horizons et de nouvelles aventures spirituelles. J'encourage donc le Conseil des arts à continuer dans ce sens-là et d'encourager l'expérience picturale.»

Marcel Barbeau vient de fêter ses 88 ans mais le peintre non figuratif et sculpteur montréalais est toujours aussi actif. Ce printemps, il participera à une exposition au Musée Guggenheim de Bilbao, en Espagne. Une grande exposition de ses oeuvres est présentée à partir de ce mercredi et jusqu'au 6 avril à la galerie TrépanierBaer, à Calgary, notamment des peintures de sa série des Anaconstructions des années 1990-2000.

À Paris, il va participer à une exposition collective sur les années 50 organisée à la galerie Chauvy par le Palais de Tokyo. Quand on demande au père de la cinéaste Manon Barbeau ce qui l'inspire aujourd'hui, il répond «le courage, beaucoup de courage, et l'aventure spirituelle, celle qui va transformer le monde».

Le mois dernier, Marcel Barbeau a peint 12 tableaux lors de ses vacances en Floride. Il a terminé son discours de remerciement (lu par sa conjointe Ninon Gauthier) avec un chant abstrait de quelques secondes!

De son côté, la commissaire d'expositions et d'événements et critique d'art Chantal Pontbriand a été honorée en raison de sa «contribution exceptionnelle» à la culture canadienne et du rayonnement international de son travail. La cofondatrice de la revue Parachute, qui a organisé quelque 40 expositions et festivals internationaux (performance, installation multimédia, vidéo, photographie), a fait part en recevant son prix de son inquiétude vis-à-vis de la place que l'on accorde aux arts visuels et à la culture en général au Canada.

«Je me soucie beaucoup de ce qui arrive dans le secteur public, a-t-elle dit. Je sais que c'est très difficile pour la culture en ce moment et j'ose espérer que les choses vont aller en s'améliorant.»

Auteure de plusieurs livres, Chantal Pontbriand est une sommité internationale dans son domaine. Professeure associée en études curatoriales à l'Université de la Sorbonne, à Paris, elle a été pendant deux ans directrice du développement et de la recherche sur les expositions à la Tate Modern de Londres. «Mon poste a malheureusement été coupé par le gouvernement conservateur britannique», a-t-elle précisé à La Presse.

Recevant son prix, elle a souligné également que son but «a toujours été de créer de la joie». «C'est dans la joie que les choses se développent et se partagent le mieux, a-t-elle dit. Mon travail s'appuie sur des valeurs: l'hospitalité, la culture, la différence et l'accueil de l'autre, avec ses différences.»

Depuis son dernier commissariat, Mutations, pour Paris Photo, Mme Pontbriand travaille sur une série de conférences qu'elle présentera cette année dans plusieurs pays européens sur le thème Pourquoi la performance aujourd'hui?, en écho au phénomène du retour des performances dans les grands musées que sont le MOMA, le Centre Pompidou ou la Tate Modern.

Les autres lauréats sont l'artiste anishinaabe Rebecca Belmore, le cinéaste William D. MacGillivray, le compositeur Gordon Monahan, l'artiste potier Greg Payce et la sculpteure Colette Whiten.

Rebecca Belmore est une artiste autochtone de l'Ontario privilégiant les oeuvres d'art fortes et provocantes. Elle a vécu à Vancouver avant de s'installer à Winnipeg. Depuis 25 ans, elle s'intéresse particulièrement à l'histoire, à l'environnement, à la culture autochtone et aux legs du colonialisme.

Elle crée des sculptures et présente régulièrement des performances et des vidéos. Elle a participé à la Biennale de Venise en 2005, devenant la première artiste autochtone à exposer au sein du pavillon canadien. Une de ses oeuvres, Eagle Drum, représentant un baril de pétrole renversé superposé de la projection vidéo d'un aigle, est actuellement exposé au musée MassMOCA du Massachusetts dans le cadre de la rétrospective de l'art canadien contemporain, Oh, Canada.

«L'art c'est bien et la vie est fantastique», a dit Rebecca Belmore lors de son discours de remerciement.

Cinéaste indépendant, William D. MacGillivray a été honoré pour avoir créé depuis 40 ans bien des oeuvres documentaires et des fictions. Au Canada anglais, il a notamment présenté une série télévisée humoristique, Gullage's, et un documentaire sur l'auteur Alistair MacLeod, avec la collaboration de l'ONF.

Son documentaire The Man of a Thousand Songs lui a valu les prix du public, de la meilleure réalisation et du meilleur documentaire au Atlantic Film Festival en 2011. Vivant en Nouvelle-Écosse, M. MacGillivray a étudié les beaux-arts en Nouvelle-Écosse et à l'Université Concordia. Son plus récent film, Hard Drive, sortira plus tard, cette année.

Gordon Monahan est un artiste de l'audio et des arts médiatiques et un compositeur ontarien. Exemple de l'artiste multidisciplinaire, il a étudié le piano et la composition musicale mais aussi l'art contemporain et les sciences. Fondateur du Electric Eclectics Festival de Meaford, en Ontario, il a travaillé à l'avant-garde de la musique et de l'art sonore dans le monde entier, notamment à Milan, Hong-Kong, Varsovie, Venise, San Francisco ou Berlin où il a créé «une Mecque de l'underground», quand il a ouvert un magasin de surplus électronique, The Glowing Pickle, avec sa partenaire Laura Kikauka.

L'exposition Gordon Monahan / Seeing Sound: Sound Art, Performance and Music 1978-2011 est actuellement en tournée et sera présentée dans neuf galeries au Canada et en Allemagne.

Le Conseil des arts a également récompensé Greg Payce. Né à Edmonton, l'artiste potier est toujours allé au-delà de la création de céramiques, s'appliquant à jouer avec l'espace négatif situé entre ses oeuvres. Il se plaît par exemple à placer des vases en rangées ce qui permet de distinguer des profils humains dans les espaces négatifs qui les séparent.

Magicien de l'argile, Greg Payce poursuit également ses recherches en complétant ses oeuvres en céramique avec de la vidéo et de la photographie. Jusqu'à présent, il a présenté son travail lors de quelque 150 expositions solos et de groupe dans le monde.

Il a participé à Trans-Ceramics, l'exposition vedette de la 3e Biennale internationale de céramique à Icheon, en Corée du Sud. Il enseigne actuellement au Collège d'art et de design de l'Alberta, à Calgary. Prix du Gouverneur général, il a reçu aussi le Prix Saidye-Bronfman.

Enfin, Colette Whiten, une artiste d'origine anglaise installée en Ontario, a été honorée pour son travail de sculpture en bois, en plâtre, en fibre de verre, en verre, en textile ou en gypse.

Féministe déclarée, son travail s'intéresse aux questions de genre, d'identité et de pouvoir. Dans les années 70, elle s'est beaucoup intéressée à l'exploration des interactions entre les hommes et les femmes, avec des moulages de corps qu'elle utilisait pour des performances. Elle a réalisé un grand nombre d'oeuvres d'art publiques en Ontario et en Alberta avec son époux, Paul Kipps.

Ses sculptures ont été présentées dans des expositions solos ou de groupe au Brésil, aux États-Unis et en Europe. Il y a cinq ans, elle était une des trois artistes canadiennes à avoir participé à l'exposition internationale féministe itinérante WACK! Art and the Feminist Revolution.

Des vidéos dressant le portrait des sept lauréats sont présentées sur le site conseildesarts.ca.