Il y avait du Rabelais dans Le banquet de Claudie Gagnon, oeuvre artistique et culinaire qui a réconforté les estomacs et les papilles de 160 convives réunis ce mercredi soir dans la salle Beverley Webster Rolph du Musée d'art contemporain de Montréal.

L'artiste montréalaise, abondamment nourrie aux originalités de L'Oeil de poisson, à Québec, avait fait appel au chef cuisinier Pierre Normand pour concocter un repas pantagruélique composé de toutes sortes de mets qu'elle avait disposés sur une longue table de 60 pieds.

Les heureux élus au banquet (qui avaient payé 80 $ pour y participer) - dont quelques vedettes telles que Pierre Lapointe et Bernard Derome - ont dégusté pendant deux heures des dizaines de plats différents placés sur la nappe blanche ou suspendus à des chandeliers.

Jambon à l'os, volailles et lapins laqués, bigorneaux fourrés de ceviche, huîtres, pyramide de cuisses de grenouilles, chorizo en corde à linge tombant d'un lustre, saumon entier accompagné de crevettes, homards éparpillés sur la table près de condiments et de sauces, oeufs de caille disposés sur une porte-douceurs, gélatines au pin, artichauts, mini aubergines attachées à un arbuste, fromage italien grana padano, pruneaux d'Agen en croûte, puddings, tapioca, fruits, noix et pains de toutes sortes, l'assemblée avait le choix pour faire ripaille dans une vieille vaisselle comme celle de nos grands-mères.

Au début, les affamés ont circulé, incrédules, autour de cet éventail gastronomique à la fois étrange et attirant, hésitant à déchirer une cuisse de canard ou à tester ce saucisson qui semblait lyonnais, mais était en chocolat!

Certains plats n'avaient rien d'attirant et d'autres étaient plutôt insipides, mais le but de la création était de surprendre et de permettre aux plus téméraires de découvrir les bienfaits de l'inconnu.

L'arrivée de petits coeurs rouges à peine cuits et de grosses langues de boeuf a levé quelques coeurs, mais les personnes présentes semblaient ravies de l'expérience.

L'artiste - absente de ce capharnaüm  ou qui observait peut-être ses invités? - n'est arrivée qu'à la fin... pour desservir la table alors que les convives quittaient la salle sans hâte.

Son ambition de reproduire un tableau vivant de natures mortes envahies puis dévorées par la gent assemblée était réussie. L'expérience sensorielle durant laquelle le plaisir se mêlait à l'indifférence, à la surprise voire à l'écoeurement d'un tel déluge de nourriture était une célébration ludique et surréaliste, comme un cabinet de curiosités savamment agencé.

Le banquet était convivial car même sans chaises, Claudie Gagnon a réussi  à créer une ambiance de partages et de découvertes.

Pour apprécier un autre aspect du travail de Claudie Gagnon, elle expose Les queues de comète, une installation faite de matériaux hétéroclites, au Centre Clark jusqu'au 2 mars.