Sculpteur, architecte et photographe allemand, Thomas Demand trouve son inspiration dans des images médiatiques chargées d'histoires du quotidien. Ensuite, il crée des mises en scène qui aboutissent à un photoréalisme stupéfiant. L'artiste de 49 ans fabrique du «vrai-semblant». Tout a l'air vrai mais n'est que ressemblant.

Assez surprenante que cette exposition des oeuvres de Thomas Demand dans les locaux de DHC/ART, où il a retapissé tous les murs avec un papier peint de sa création. Surprenante, car au premier abord, on n'a pas idée du temps qu'il a passé avec son équipe pour créer la vidéo qu'on a sous les yeux. Et pourtant...

Chacune des photos et vidéos a nécessité une installation complexe et minutieuse faite de papier, de carton et d'un éclairage approprié pour recréer la réalité, la documenter, la reconstruire.

Ses films sont parfois des animations image par image qui permettent d'induire un mouvement, comme dans le cas de Recorder (2002), un film 35 mm d'un faux-vieux magnétoscope 4 pistes qui «joue» sans cesse quelques sons tirés de morceaux des Beach Boys.

Escalator (2000), une oeuvre d'escaliers roulants (l'un monte, l'autre descend) vus depuis leur partie haute, est saisissante. Il faut scruter les marches avec précision pour constater qu'il ne s'agit pas d'un «vrai» escalier roulant mais d'une mise en scène à l'échelle 1: 1 d'escaliers roulants en carton et papier.

La lumière, extrêmement bien dosée, donne cette impression de réalisme, même si dans toutes ses oeuvres, il n'y a jamais âme qui vive. Forcément, dirions-nous.

Cambriolage à l'ambassade

Son travail intitulé Embassy (2007) renferme un angle politique et historique supplémentaire. Thomas Demand a voulu illustrer l'histoire d'un cambriolage de l'ambassade du Niger à Rome en 2001 qui serait lié aux arguments qu'avait eus l'ex-président George W. Bush dans le but de déclarer la guerre à l'Irak.

Le Niger était alors suspecté (à tort, semble-t-il) d'avoir vendu de l'uranium enrichi au régime de Saddam Hussein. Les preuves de cette vente avaient été créées par les services secrets à partir de documents volés dans l'ambassade. Thomas Demand a trouvé un faux prétexte pour la visiter et en a reconstitué les intérieurs et les extérieurs en papier et carton avant de les photographier, comme un photographe de plateau le ferait pour un décor de théâtre. Le théâtre de la politique internationale dans ce cas.

Pour Pacific Sun (2012), oeuvre majeure de l'exposition, l'artiste est parti de l'extrait d'une séquence captée par une caméra de surveillance sur un bateau de croisière. Les images montraient la salle de bar avec son mobilier qui valsait d'un bout à l'autre de la pièce à cause du bateau qui tanguait. Dans la reconstitution, où tout est en papier et en carton encore une fois, chaises, tables, verres, ordinateur, tout est précipité à terre et se promène d'un côté à l'autre de la salle sous l'effet des énormes vagues.

«C'est comme un opéra classique avec une scène et une chorégraphie d'objets, dit Thomas Demand. Les chaises dansent, les objets tombent à terre, comme un drame qui se joue. Mais tout n'est qu'animation.»

Même chose pour son oeuvre Rain (2008). De loin et même de près, on pourrait croire à l'image continue d'un rideau de pluie frappant le sol. Mais les gouttes ne sont pas d'eau! Seulement l'image animée de petits emballages de bonbons filmés à travers des couches de verre. Encore une fois, on ne voit pas la réalité mais «une paraphrase de la réalité», dit le commissaire de l'exposition, John Zeppetelli.

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Animations, de Thomas Demand, à DHC/ART jusqu'au 12 mai.