La réalisatrice québécoise Lyne Charlebois a connu une véritable fébrilité pour le dessin depuis un an. Quasiment enfermée chez elle, elle a créé de façon soudaine et frénétique plus d'une centaine d'oeuvres. Cette parenthèse terminée, elle les vend maintenant au bénéfice de l'organisme Cactus, qui vient en aide aux toxicomanes, à Montréal.

Le Monument-National accueille jusqu'au 4 novembre l'expression d'une irrépressible frénésie pour le dessin qui a quasiment foudroyé Lyne Charlebois pendant des mois. Elle-même n'en revient pas.

Elle a toujours griffonné un petit peu, Lyne Charlebois, mais jamais assez pour se prétendre peintre ou dessinatrice. Sa fibre artistique a toujours été d'abord et avant tout l'image, que ce soit la photo, la vidéo, le clip, la série dramatique ou le long métrage. Mais depuis quatre ans, elle a eu une irrésistible attirance pour des crayons feutres de couleur et les a utilisés sans arrêt ou presque pendant un an.

D'où venait cette fulgurance?

«Franchement, je ne sais pas, dit-elle, lors du vernissage. Je faisais ça en dilettante. Jamais je n'aurais pensé faire une exposition.» Lyne Charlebois considère que cette brève étape de sa vie aura finalement été un passe-temps, une parenthèse, «une façon de fuir par nécessité».

Louis St-André, créateur éclectique, dit être tombé à la renverse en voyant ses oeuvres, et l'a donc mise sur les rails d'une exposition-bénéfice.

Les dessins de Lyne Charlebois sont doux, aux couleurs automnales, imprégnés de son goût pour la mosaïque. On y note un souci du détail. La miniaturisation de formes et de couleurs qui sont comme des cellules, lorsque placées les unes à côté des autres, créent des corps multiformes surmontés de têtes androgynes.

Les oeuvres, qui comprennent parfois un extrait de poésie en titre, représentent des personnages expressifs aux allures carnavalesques et théâtrales. Lyne Charlebois utilise des feutres, de l'encre et des collages pour habiller ses personnages de «tissus».

«Je crée des textures, travaillant dans l'extrêmement petit, c'est ça mon plaisir, dit-elle. Donc, quand de loin, ça ne me plaisait pas, je découpais les morceaux et faisais des montages. Je n'ai pas fait ça pour faire de l'art. C'était un exutoire, une sorte de méditation. Le résultat m'importait peu. Mais j'en ai écrit des lettres d'amour et des films en faisant ça... Mais là, c'est fini.»

Estimant s'être assez isolée pour ses dessins, la réalisatrice de Borderline veut passer à autre chose, notamment à l'écriture et à la photo, une activité qui force à regarder et à sortir de chez soi pour voir du monde, dit-elle.

En attendant, elle est heureuse de pouvoir faire profiter l'organisme Cactus de son bref bouillonnement pictural, chaque oeuvre étant vendue 700$.

«C'est une cause qui me tient particulièrement à coeur, car je suis moi-même une toxicomane en rétablissement et surtout, je voudrais faire tomber le tabou selon lequel le toxicomane est lâche et paresseux. La toxicomanie est une maladie, pas un vice. C'est surtout un mal-être.»

Cactus permet à des toxicomanes d'obtenir des seringues propres. Elle estime que ce geste leur permet de prendre conscience de l'acte qu'ils posent, première étape dans l'objectif de l'abstinence.

«Je n'aurais jamais fait une exposition s'il n'y avait pas eu cette possibilité de reverser le fruit des ventes à cet organisme, dit-elle. Et puis, j'ai donné tous mes crayons à un jeune qui dessine et qui était sans le sou. Je n'ai pas d'attachement à ces crayons et je veux passer à autre chose.»

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Au Monument-National, jusqu'au 4 novembre.