Le prix de photographie Banque Scotia sera remis le 9 mai. Avec Fred Herzog et Arnaud Maggs, Alain Paiement fait partie des trois finalistes. La Presse a rencontré ce chercheur dans l'âme, qui envisage l'image comme le géomorphologue la topographie. Avec ce goût de documenter les traces et les reliefs...

On trouve ses oeuvres au Musée des beaux-arts du Québec, au Centre d'histoire de Montréal, au Pavillon des sciences de l'UQAM ou à la Maison du Festival de jazz. Alain Paiement a été le premier artiste québécois à voir son travail exposé au Whitney Museum de New York, en 1992. Il avait 32 ans.

Il suit depuis un parcours artistique original, non linéaire, qui marque l'histoire de la photographie canadienne, selon Anne-Marie Ninacs, historienne de l'art qui a soumis son nom pour le prix Banque Scotia.

Créé par le photographe Ed Burtynsky, ce prix est prestigieux. Les candidats sont choisis sur invitation. D'une valeur de 100 000 $, il comprend une bourse de 50 000 $, une exposition en 2013 dans le cadre du festival torontois Contact et la publication d'un livre par Steidl, le réputé éditeur allemand de livres d'art.

Anne-Marie Ninacs avait monté l'exposition Le monde en chantier d'Alain Paiement en 2002, à la Galerie de l'UQAM. Elle est impressionnée par son travail.

«L'ampleur de ses chantiers m'étonne, dit-elle. Ses derniers travaux, avec des centaines de fichiers numériques assemblés, et ses premiers, avec ses photos-sculptures, montrent qu'il a toujours eu un imaginaire avec beaucoup d'envergure.»

Apprécié pour la profondeur de son travail, Alain Paiement est un photographe plasticien, dans le sens où cet artiste - d'abord peintre - a décroché l'image pour la reconstruire, notamment dans des photos-sculptures, comme sa sphère Amphithéâtre Bachelard, de 1988. Une oeuvre qui a fait sa renommée.

«La première fois que j'ai fait une sphère en photo, je savais que j'étais en train de faire quelque chose d'inédit, dit-il. Je m'étais demandé pourquoi personne ne l'avait déjà fait, alors que la sphère optique est nommée depuis Platon, sans parler des photos en tiling de la NASA.»

Captivé par les processus, Alain Paiement est aussi connu pour ses oeuvres architecturales faites d'images unies entre elles pour reconstituer un lieu, cartographié comme un morceau de Terre vu du ciel.

C'est le cas de Constellation, 1996, et surtout de Parages (pane mondial), 2004, oeuvre aboutie de sa technique de mapping, une description spatio-temporelle d'une boulangerie. Il ne s'agit pas d'un instantané photographique, mais d'une étude d'espace, comme le ferait un archéologue, mais en s'intéressant au présent. Comme un géomorphologue.

Pour constituer son oeuvre, Alain Paiement prend des centaines de photos à main levée, avec une perche, un échafaudage, une grue ou un escabeau. Et il s'intéresse aussi à la vidéo pour «faire du mapping avec un continuum».

Il travaille aussi sur deux immenses murales qui orneront les deux bâtiments du futur Centre de recherche du CHUM, construit sur l'autoroute Ville-Marie.

Ayant toujours voulu être artiste, marqué par Expo 67, Alain Paiement est honoré d'être parmi les finalistes du prix Scotia. «J'ai compris après la nomination quel était le prestige du prix, dit-il. C'est une reconnaissance de ma contribution au champ photographique.»

Ses chances de l'emporter sont bonnes. Le prix a pour but de «rehausser le profil international» d'un artiste canadien. Or, Fred Herzog et Arnaud Maggs, tous deux octogénaires, ont moins besoin de ce «prix tremplin» que lui, en plein développement de carrière et qui espère présenter bientôt une rétrospective de son travail à Montréal.