Renommé dans le monde entier pour ses performances lumineuses, l'artiste montréalais d'origine mexicaine Rafael Lozano-Hemmer ouvrira la Triennale québécoise d'art contemporain 2011, jeudi, sur la place des Festivals. Le public pourra participer à la genèse de son oeuvre, Intersection articulée, tous les soirs pendant un mois.

Le Musée d'art contemporain de Montréal (MACM) a réalisé un grand coup pour lancer sa deuxième Triennale québécoise d'art contemporain. Avec la collaboration du Partenariat du Quartier des spectacles, il a commandé une oeuvre magistrale nocturne à Rafael Lozano-Hemmer, un artiste multimédia mondialement connu pour son concept d'architecture relationnelle.

Installé à Montréal depuis six ans, Rafael Lozano-Hemmer utilise la technologie et l'informatique pour réaliser des performances dans des lieux publics.

En ce moment, il présente ses réalisations à Paris, Berlin, Moscou, Barcelone, Karlsruhe (Allemagne) et Hobart (Australie). OEuvre de faisceaux lumineux actionnés par des internautes de la grande Toile, Vectorial Elevations a été présentée à Vancouver lors des Jeux olympiques de 2010.

Cette fois, avec Intersection articulée, ce ne sont pas les internautes, mais les Montréalais qui vont s'amuser avec des faisceaux dès la nuit tombée, du 7 octobre au 6 novembre, sur la Place des Festivals.

Le dispositif de l'oeuvre comprend 18 projecteurs de 10 000 watts chacun que six visiteurs de la place pourront indirectement manoeuvrer pour créer des sculptures dans le ciel du centre-ville.

Six leviers électromécaniques reliés chacun à trois projecteurs seront manipulés par six participants. Chaque levier transmettra des données de mouvements à un ordinateur qui induira les mêmes mouvements aux projecteurs.

Trois leviers seront près de la rue Sainte-Catherine et trois près du boulevard De Maisonneuve, tandis que l'édifice Wilder et le MACM seront dotés de deux projecteurs à mi-chemin des deux artères.

«Ce que je cherche à faire pour la première fois, c'est de matérialiser cette matière si fugace qu'est la lumière dans quelque chose de sculptural, plus proche du corps humain, dit Rafael Lozano-Hemmer. J'aime représenter, jouer, pour que les gens, sur un espace public, s'arrêtent, cessent leurs activités quotidiennes et se parlent. Ma spécialité est plus proche de l'art scénique que de l'art visuel.»

Les faisceaux formeront un apex tridimensionnel à mi-chemin de la place, un tétraèdre que Rafael Lozano-Hemmer appelle le Sexy Effect et qui demeurera quelques secondes en équilibre au-dessus des spectateurs. Comme une «communion humaine à l'échelle urbaine», dit-il.

«Les jeunes vont peut-être jouer comme des prédateurs l'un contre l'autre, dit M. Lozano-Hemmer. Tout est possible. C'est ce que j'aime de mon travail. On ne sait jamais ce qui va en résulter. Quand j'ai montré le prototype, des jeunes disaient eh, c'est comme des épées de Star Wars

Poétique et politique

Même si l'oeuvre est ludique, l'artiste rappelle que de tels projecteurs géants ont déjà été utilisés par des militaires pour détecter les avions. Intersection articulée est aussi inspirée de la frontière américano-mexicaine où des projecteurs traquent les Mexicains qui essaient d'entrer clandestinement aux États-Unis.

L'oeuvre est donc à la fois poétique et politique. L'artiste souhaite d'ailleurs la présenter près de Tijuana en 2013, en plaçant trois projecteurs de chaque côté de la frontière américano-mexicaine.

«Pour que cette communion de lumières se retrouve pile à la frontière entre les deux pays comme un symbole politique, économique et ethnique», dit-il.

Comme la lumière pourra être vue à 15 km à la ronde - notamment du mont Royal - le système créé par Rafael Lozano-Hemmer sera circonscrit au centre-ville et ne perturbera pas les couloirs aériens. Mais Transports Canada a toutefois été mis au courant de l'événement et le système informatique de l'oeuvre empêchera les participants de pointer un immeuble habité.

L'artiste insiste pour dire que son oeuvre n'est pas véritablement un spectacle avec un début et une fin, mais une expérience à laquelle on peut participer, chaque soir du crépuscule jusqu'à 23h, en semaine, et jusqu'à 2h, en fin de semaine.

«Intersection articulée est comme une fontaine, dit-il. Si personne ne joue, il ne se passera rien d'autre que la sculpture de base jusqu'à ce que quelqu'un la change. S'il neige ou s'il pleut, ça fonctionnera aussi. Plus il y a de l'humidité et de contamination lumineuse, meilleur c'est!»

L'oeuvre de Rafael Lozano-Hemmer, qui consomme 20 fois moins d'électricité qu'un aréna pour une partie de hockey, fera désormais partie de la collection du MACM. «Elle pourra être prêtée à d'autres villes avec la collaboration de l'artiste bien sûr», dit Paulette Gagnon, directrice du musée.

Intersection articulée, de Rafael Lozano-Hemmer, du 7 octobre au 6 novembre, sur la place des Festivals.