Le Musée de Joliette a transformé ses grandes salles pour accueillir, sur grand écran, quatre vidéos de Vasco Araújo, premier artiste portugais contemporain à exposer au Canada. Sous des apparences de simplicité extrême, l'oeuvre de cet artiste de 36 ans est complexe et soulève des questions d'ordre existentiel et sociologique. On pense à Pessoa, grand écrivain-culte portugais, ce qui fait sourire Araújo.

Vasco Araújo était au Musée de Joliette récemment pour aider à l'installation de ses vidéos. La qualité du son et de l'éclairage est d'une grande importance, dit-il (en anglais). La veille, il a fait une erreur à son arrivée à l'aéroport Trudeau, avoue-t-il. «Je suis un artiste, a-t-il dit au douanier, j'expose au Musée de Joliette.» «Comment ça, un artiste, a demandé le douanier, où sont les oeuvres?» Et le voilà envoyé pour la fouille, dans la ligne des suspects. «J'ai passé plus de temps à la douane, que dans l'avion», ajoute-t-il en riant. Ce fut l'occasion pour lui de se rendre compte que les «suspects» avaient, en général, un «profil racial», qu'ils étaient «différents».

«Différents», voilà un thème exploité dans les vidéos de Vasco Araújo, dont l'un porte d'ailleurs le titre suivant: About Being Different. On y retrouve cinq personnages, des pasteurs protestants, dont deux femmes. De vrais pasteurs, pas des comédiens. Chacun, à tour de rôle, donne son opinion sur les questions soulevées par un opéra de Benjamin Britten (1913-1976) Peter Grimes. Grimes, un pêcheur rustre et ambitieux, est accusé, à tort, du meurtre d'un mousse. Parce qu'il est différent, selon Araújo. «J'ai vu cet opéra à Newcastle (Angleterre) avec les pasteurs. Par la suite, j'ai posé à chacun, séparément, les mêmes questions. Curieusement, presque tous ont réagi de la même façon, en parlant de leur propre «différence» «.

Moyens inusités

On voit par cet exemple que Vasco Araújo a recours à des moyens inusités pour s'exprimer. Ici, c'est une référence à un opéra - l'artiste portugais a fait des études en art lyrique et aux Beaux-Arts. Un opéra composé par un auteur «différent» (Britten était homosexuel). Araújo a aussi recours à des entrevues avec des gens bien inscrits dans la société britannique. Le résultat ressemble à un documentaire.

Dans O Percuso, c'est autre chose. L'action, si l'on peut s'exprimer ainsi, se déroule en Andalousie. Un homme et un jeune garçon marchent dans un immense désert doré, un paysage d'une beauté fascinante. On y entend des voix. «Cette terre n'est pas la nôtre, disent l'homme et l'enfant (en espagnol). Qui sommes-nous si nous n'avons pas de terre?» On comprend qu'il s'agit de Roms. Les voix se transforment en prière. La statue d'une Vierge fait son apparition, c'est la Macarena. On la prie. Dans cette vidéo, les personnages sont des comédiens. Le texte que l'on entend est une curieuse composition. «J'ai pris les paroles dans les chansons populaires de flamenco, explique Araújo, et j'ai demandé à un poète d'en faire un nouveau poème.» Théâtre, poésie, folklore, cinéma, pour une thématique toujours actuelle: les êtres privés de territoires, qui errent dans des pays étrangers, ou dans leur propre pays dont ils ont été dépossédés, sont-ils aussi privés d'identité?

À 36 ans, Vasco Araújo fait partie des jeunes artistes portugais qui ont une carrière internationale. Il est souvent invité par des institutions britanniques, américaines, européennes, à créer sur place des oeuvres vidéo et à donner des conférences, autre outil dont se sert cet artiste exigeant qui vit à Lisbonne. Ses oeuvres ne sont pas faciles d'accès. Elles sont remplies de références littéraires, musicales, cinématographiques, mythologiques... Il faut lire les «instructions» affichées sur les murs du musée pour découvrir que derrière le statisme des images et l'apparente simplicité, il y a des réflexions profondes sur la vérité et le mensonge, l'identité, les inégalités sociales, l'injustice, la religion... Cette exposition, Avec les voix de l'autre, invite à une lente méditation sur le sens de la vie.

Vasco Araújo, Avec les voix de l'autre, au Musée de Joliette (145, rue du Père-Wilfrid-Corbeil), jusqu'au 1er mai 2011. Ouvert du mardi au dimanche, de 12h à 17h. Entrée: 10$ (adultes).