Dans le cadre du Festival d'art numérique Elektra, la galerie La Centrale présente jusqu'au 10 mai, Artisanat électronique, la première exposition solo de la jeune designer montréalaise Mouna Andraos.

Les cloisons tombent, les genres se fusionnent. Mouna Andraos agit au confluent de l'art, du design et de l'utilitaire. Pour utiliser un vocabulaire d'une autre époque qui va comme un gant à la jeune créatrice, c'est une patenteuse.

Elle aime bidouiller, «bric-à-braquer» ou «fabricoter», comme elle le dit elle-même. Art ou commerce? Artisanat ou design?

«Je me promène d'un côté et de l'autre. Mes projets tombent là où ils trouvent leur place. Je laisse le soin aux experts de catégoriser», fait-elle sagement.

Son travail exposé à La Centrale laisse voir sa fascination pour l'électronique, mais sans mystification aucune. Son geste artistique est là, dans la beauté d'une mécanique et d'une technologie apprivoisées et exposées pour ce qu'elles sont.

«J'aime beaucoup mélanger le high-tech et le low-tech en fait, la partie artisanale et numérique. Le look des objets, c'est cette idée de démystifier la boîte noire et ce qui se passe dedans. J'aime montrer la matière première et la technologie», résume-t-elle.

Le plus bel exemple en est le Power Cart qui, comme son nom l'indique, est un chariot offrant de l'énergie gratuite aux passants. Cette station énergétique a été montrée à Brooklyn et à Manhattan avant de prendre la rue à Montréal. Cette source d'énergie pour les appareils électroniques se veut nourrissante pour les humains aussi.

«Dès que je m'arrête quelque part, dit-elle, je sors le bar inclus dans le chariot et les gens peuvent prendre un verre en attendant que se recharge leur cellulaire ou iPod. La qualité de mon service se mesure à ma capacité de trouver le bon câble de connexion.»

Les échanges avec le public portent la plupart du temps sur les sujets du développement durable et de consommation d'énergie, mais donnent lieu également à de drôles d'anecdotes.

«Il m'arrive que des gens que je ne connais pas du tout, raconte-t-elle, me laissent leur cellulaire en toute confiance et rappellent une heure plus tard, sur leur propre appareil, pour me demander si le rechargement est complété.»

L'exposition de La Centrale comporte également de magnifiques veilleuses translucides qui s'illuminent, une immense boîte à musique, une horloge de mots racontant le temps qui passe et inspirée du grand écrivain allemand Herman Hesse.

Mais l'utile prend vite le dessus sur le poétique dans le travail de Mouna Andraos. C'est le partage qui l'intéresse plus que tout. Elle voit la technologie comme véhicule de changement social. Elle parle de licence ouverte et de culture libre.

«Une partie de mon travail est de démontrer sur l'internet ce que l'on peut faire soi-même chez soi, avec très peu de choses, explique-t-elle. Je retourne tout ce que je fais à la communauté. À beaucoup d'égards, les brevets sont pour les grandes compagnies. Ça limite l'innovation, à mon avis. Je souhaite que les gens puissent vivre avec les objets et interagir avec eux.»