Tout se tient dans la démarche de Marc Garneau, même s'il semble fonctionner à l'envers. Chez lui, graver le bois avec une gouge, c'est peindre, coller des morceaux d'anciens tableaux pour en faire un nouveau, c'est encore peindre. Même le feu, le vent et la cendre peuvent servir à peindre. Rencontre avec un artiste peintre résistant.

À 53 ans, Marc Garneau, originaire de Thetford Mines, en a fait du chemin depuis son arrivée à Montréal à l'âge de 18 ans. Un chemin qui passe par les écoles d'art jusqu'à la maîtrise à Concordia, qui traverse la voie du dessin au cours de voyages, celle de la menuiserie sur les traces du père, et qui ne refuse pas le passage par le travail d'encadreur pour collectionneurs et galeristes. «J'ai plus appris sur le milieu dans ce travail d'encadreur qu'à l'université», dit-il, tout en saluant l'héritage reçu de Guido Molinari et d'Yves Gaucher.

 

«Je joue avec la peinture, j'aime décomposer», poursuit-il, tout en nous présentant ses oeuvres récentes qui appartiennent à deux séries fort différentes. La première est constituée de cinq grands tableaux faits de fragments de toiles abandonnées superposés les uns sur les autres. La deuxième compte une vingtaine de tableaux plus petits, réalisés ceux-là sur des photos développées directement sur le bois par son ami et artiste Pierre Charrier.

«Le point de départ de la série des grands tableaux est un diptyque dont je n'étais pas satisfait, explique-t-il. Après trois ans de reprises, j'ai décidé d'en finir, explique-t-il, je l'ai détruit. Ça a donné naissance à une série imprévue. La peinture est ici faite par elle-même. C'est une peinture qui parle d'elle-même.» On dirait des tableaux abstraits aux formes étranges où apparaissent soudainement des motifs reconnaissables: un cheval, un coeur, une table, des croix... «qui s'imposent d'eux-mêmes, n'ont pas de signification, précise l'artiste. L'image n'est ni figurative, ni abstraite.»

Les petits tableaux, de leur côté, sont le résultat d'un processus de réalisation bien particulier. Il s'agit, au départ, de photographies réalisées par Pierre Charrier qui les a développées directement sur des panneaux de bois à partir d'une technique qui rappelle celle des daguerréotypes. Marc Garneau en a quelque sorte hérité. La toile blanche est donc remplacée ici par diverses images, parfois les mêmes, sur lesquelles le peintre intervient. En y creusant des sillons à la gouge, ou en ajoutant de la peinture. Les images de fond reviennent par fragments, elles sont méconnaissables. «Quand j'ajoute de la peinture blanche sur la photo, en réalité, j'enlève l'image d'en dessous, dit-il. C'est ça que j'aime faire, jouer avec la peinture.» Et quand il creuse à la gouge jusqu'au bois, c'est le fond qui remonte à la surface.

Les oeuvres de Marc Garneau sont ainsi faites de fragments d'oeuvres antérieures, d'éléments trouvés dans son atelier, mais aussi de fragments de vie, qu'il s'agisse des photos sur bois données par son ami, ou des panneaux de vieux contreplaqués trouvés dans le garage familial après la mort de son père. Une rétrospective de l'oeuvre de Marc Garneau permettrait d'ailleurs d'apprécier la cohérence de sa démarche originale qui s'étend sur plus de 25 ans.

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Seconds soubresauts, Marc Garneau, à la galerie Graff (963, rue Rachel Est), jusqu'au 16 mai. Ouvert du mercredi au vendredi, de 11h à 18h; le samedi, de 12h à 17h. Entrée libre.