Les Parisiens sont maîtres dans l'art de profiter de l'été. Dépourvus de plages dignes de ce nom, ils s'en sont tout bonnement créé une sur le bord de la Seine, où la culture a droit de cité. Le soir venu, les amateurs du septième art se donnent rendez-vous au parc de la Villette pour des projections de films sur l'un des plus grands écrans du monde.

Longues plages de sable blanc, palmiers, chaises longues, buvettes et glaciers: on pourrait se croire au bord de la mer, mais c'est bel et bien au bord de la Seine que l'on se trouve. Paris Plages revient pour une 13e édition et reprend ses quartiers en plein coeur de Paris.

C'est devenu une tradition à Paris. Chaque été, de la mi-juillet à la mi-août, alors que les Parisiens partent en vacances et que les touristes arrivent en masse, Paris Plages s'installe sur la voie Georges-Pompidou, fermée pour l'occasion, mais aussi sur le parvis de l'hôtel de ville et au bassin de la Villette pour les activités nautiques.

Véritables plages urbaines

Du pont de Sully en face de l'île Saint-Louis jusqu'au tunnel des Tuileries au pied du Louvre, la rive droite de la Seine prend donc des airs de plage du Sud. Sur 2,8 kilomètres, on y retrouve à peu près tout ce qui compose une plage classique, brise marine et mer en moins. Sable étonnamment fin, transats, parasols, restaurants, glaciers, concours de châteaux de sable, aire de jeux pour les enfants, volleyball, mais aussi taï chi, baby-foot et pétanque. Et à défaut de pouvoir plonger dans la Seine, les visiteurs se rafraîchissent grâce à des brumisateurs.

La culture n'est pas en reste. Le Festival Fnac Live a une nouvelle fois donné le coup d'envoi à Paris Plages du 17 au 20 juillet derniers avec ses 28 concerts gratuits présentés sur le parvis de l'Hôtel de Ville. La maison d'édition Flammarion propose quant à elle une bibliothèque éphémère et un coin lecture avec chaises, coussins et parasols. Plus loin, une tour Eiffel de 13 mètres de hauteur composée de 324 chaises bistro rouges fait de l'oeil à la véritable Dame de fer sur l'autre rive.

Le Louvre à la plage

Grande nouveauté cette année, le musée du Louvre s'associe à Paris Plages et expose une douzaine de reproductions de ses peintures françaises du XVIIIe siècle dans le tunnel des Tuileries. Sur le thème des baigneurs et des baigneuses, le musée propose aux enfants et aux familles une découverte ludique de ses collections. Une façon de «donner aux gens l'envie d'aller au musée et que ça ne leur fasse pas peur», nous explique une médiatrice du Louvre.

Autre nouveauté, le P'tit Vélib', la version enfant du fameux Vélib', le vélo en libre-service parisien. Anne-Gaëlle, une maman parisienne de deux jeunes enfants, est justement venue essayer ces nouveaux vélos déclinés en quatre modèles. Celle qui n'était venue à Paris Plages qu'une seule fois, il y a dix ans, trouve «chouette» d'y revenir avec ses enfants.

Plus loin, Monika, une touriste polonaise, lit son roman installée sur un transat. «Je trouve que cette plage est une bonne idée et c'est très facile d'y accéder en transports en commun», souligne la jeune femme. Même son de cloche pour ce jeune papa de Grenoble qui s'amuse avec sa fille dans le sable. «C'est super! On vient souvent quand on est de passage à Paris, l'été.»

Plus loin, assise sur un transat géant, Norma, une Parisienne venue avec sa mère et une amie, s'interroge sur l'utilisation de l'argent public. «Est-ce vraiment nécessaire de ramener tout ce sable? demande-t-elle. On pourrait garder seulement un petit espace de sable pour que les enfants puissent jouer.»

«Le coût de Paris Plages s'élève pour la Ville de Paris à 1,5 million d'euros», confirme Nadhéra Beletreche, attachée de presse à la Ville. «À cela s'ajoute la contribution des nombreux partenaires de l'opération pour un montant très difficile à estimer», précise-t-elle. L'entreprise Lafarge, qui livre chaque année le sable à Paris Plages, fait partie des nombreux partenaires de l'événement.

- Véronique Beaudet, collaboration spéciale

Du cinéma sous la lune

La nuit vient de tomber, et des milliers de cinéphiles sont rassemblés sur le gazon devant l'immense écran du parc de la Villette. Non, il ne s'agira pas d'une soirée cinéma comme les autres.

Le cinéma en plein air de la Villette a beau avoir 24 ans, son offre cinématographique est toujours aussi unique à Paris: des vieux films, d'autres moins vieux - mais jamais de nouveautés de l'année - présentés gratuitement en plein air pendant un mois, l'été, dans le plus grand parc de la ville, qui peut accueillir jusqu'à 11 000 personnes par soir.

«C'est l'occasion de revoir des vieux films et on peut prendre un verre avec des amis auparavant», indique Mathieu Mousnier, ingénieur parisien accompagné par deux de ses amis il y a une dizaine de jours. «Nous venons une ou deux fois par été. On peut faire un pique-nique, être dehors et voir un film. C'est sympathique», souligne Aurélien Bélanger, un autre ingénieur venu avec sa copine pour voir le film Camille redouble, long métrage français sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2012.

Pour tous les goûts

Le lendemain soir, il y avait deux fois plus de spectateurs - environ 11 000 personnes - pour l'un des films les plus attendus du festival: Scream 4, de Wes Craven. «Nous essayons de choisir des films pour tous les goûts. Nous avons des films grand public comme Scream 4 un samedi soir, mais nous faisons aussi découvrir des films comme 17 filles [qui a gagné un prix à Cannes en 2011]», explique Sandrine Le Guen, programmatrice du cinéma en plein air au parc de la Villette.

Le cinéma en plein air à la Villette n'est pas le seul festival dans le monde qui présente des films à la belle étoile (en fait, ce n'est pas un festival au sens traditionnel du terme). À Montréal, le Festival des films du monde présente plusieurs films à l'extérieur, et une demi-douzaine d'autres organismes font de même cet été. Le Festival international du film de Locarno projette chaque soir un film sur la grande place devant 8000 personnes. Plusieurs films québécois, dont Monsieur Lazhar en 2011 et Gabrielle l'été dernier, ont eu droit à cet honneur à Locarno.

Avec 125 000 spectateurs en 27 soirs l'été dernier - une moyenne de 4600 spectateurs par soir avec des pointes à 11 000 spectateurs -, le cinéma en plein air de la Villette est assurément le rendez-vous cinématographique à la belle étoile le plus populaire de l'Hexagone. Peut-être même le plus populaire en Europe, voire dans le monde (difficile de l'affirmer avec certitude, car personne ne tient le compte). L'écran gonflable de 32 mètres sur 18 mètres a été construit spécialement pour le parc de la Villette. «Les techniciens qui l'ont installé ont dit que c'était le plus grand écran de cinéma au monde», assure Sandrine Le Guen.

Les familles au rendez-vous

Même si la séance commence généralement vers 22h40, il y a un nombre surprenant de familles. Certaines restent jusqu'à la fin, d'autres non. Les gens apportent un pique-nique, voire une bouteille de vin pour terminer la soirée. Considérant l'ampleur de la foule, il y a somme toute peu de distractions durant le film, même si on est loin de l'ambiance feutrée des salles.

Chaque été est marqué par son thème. En 2014, c'est l'adolescence, qui appelle des films comme American Graffiti du réalisateur George Lucas (1973), Fame d'Alan Parker (1980), Chacun cherche son chat de Cédric Klapisch (1996), Elephant de Gus Van Sant (2003), Carrie de Brian De Palma (1976) et Moonrise Kingdom de Wes Anderson (2012). Aucun film québécois n'est présenté cette année, mais C.R.A.Z.Y. de Jean-Marc Vallée (en 2010) et Mémoires affectives de Francis Leclerc (en 2006) ont déjà été vus à la Villette. Les films sont présentés en version originale avec sous-titres français.

Chaque film est précédé d'un court métrage. Le vendredi, celui d'un cinéaste qui vient de lancer un premier film au grand écran. «C'est intéressant de voir les premiers pas des réalisateurs dans leurs courts métrages», dit Sandrine Le Guen. Pour les 17 autres soirs, le parc de la Villette, un organisme financé par le ministère français de la Culture, fait créer une série de courts métrages sur le thème de l'été par une artiste qui n'est pas cinéaste. Cet été, la photographe française Marion Poussier a tourné 17 courts métrages sur l'adolescence.

- Vincent Brousseau-Pouliot