Les artistes se font entendre. Sur l'internet, dans les manifestations, dans les galas et les spectacles militants. Acteurs, chanteurs, humoristes... Ils sont des dizaines à prendre position, à défendre publiquement des causes sociales, à vouloir «se faire un printemps». Regard sur une mobilisation de masse.

Sur l'écran défilent les visages de Fred Pellerin, Marina Orsini, François Pérusse, Roy Dupuis, Benoît Brière et une dizaine d'autres artistes, tous porteurs du même message: «Rassemblons-nous pour la Terre.» Dans une autre vidéo, Geneviève Rochette, Julien Poulin, Paul Ahmarani ou Michel Rivard parlent avec passion contre la hausse des droits de scolarité.

Les artistes militent ces jours-ci. Bien sûr, il y a les Paul Piché, Roy Dupuis, Chloé Sainte-Marie et Dan Bigras qu'on a l'habitude de voir monter au front. Mais de nouvelles voix s'unissent aux leurs dans des enjeux qui ne sont ni artistiques ni unanimes. Les droits de scolarité, le Plan Nord, le gaz de schiste, les pétrolières... On est loin des bonnes oeuvres d'usage.

«Il n'y a pas si longtemps, on était toujours les mêmes sur toutes les tribunes. Une poignée, note Paul Piché. C'est en train de changer.» Nous l'avons rencontré, le 22 mars au Métropolis, lors du spectacle organisé par les étudiants en grève. À ses côtés, Jérôme Minière, le slameur Ivy et Chloé Sainte-Marie avaient une discussion animée sur le rôle social de la communauté culturelle.

«Il n'y a pas d'espace où prendre la parole au Québec. C'est difficile d'élever le débat. Alors, j'ai décidé de me faire entendre ici», dit Jérôme Minière pour expliquer sa présence à l'événement. La comédienne Fanny Mallette, qui a marché contre la hausse des droits de scolarité, est du même avis. «Comme beaucoup de mes amis, j'ai été indignée par plusieurs événements, dernièrement. Je ressens un besoin de sens. Je trouve qu'on n'a plus les bonnes priorités», affirme-t-elle, un macaron du Jour de la Terre et un carré de feutre rouge épinglés à son manteau.

Insensibles aux dires de ceux qui jugent que les artistes n'ont pas à se mêler de politique, ils ont été nombreux à manifester haut et fort leur appui aux étudiants. Même l'Union des artistes, dans une rare prise de position sur une cause qui ne touche pas directement ses membres, a demandé au gouvernement «d'être à l'écoute de sa population» et d'en arriver à une solution avec les représentants des associations étudiantes.

Entre-temps, le metteur en scène Dominic Champagne est devenu le nouveau visage de l'environnement au Québec. Il a réussi à rallier de très gros noms à sa cause.

«Quand les artistes prennent position, ça amène du changement, estime le président de l'UDA, Raymond Legault. La prise de parole est intrinsèque à leur rôle depuis des siècles. Comme le fou du roi, qui était le seul à pouvoir critiquer ouvertement le monarque, où Molière, qui riait de Louis XIV à sa propre cour.»

Les artistes sont le reflet de notre société, ajoute M. Legault. «Ils sont touchés par les mêmes enjeux. La seule différence, c'est que leur opinion fait plus de bruit que celle de l'homme de la rue à cause de leur notoriété.»

Une notoriété dont n'a pas honte de se servir l'actrice Geneviève Rochette, qui est sur toutes les tribunes. On l'a vue dans le dossier des étudiants et dans celui du Jour de la Terre. Elle a même milité pour le rapatriement d'Omar Khadr. «J'ai l'air d'une poule pas de tête, mais il y a urgence d'agir. Il faut poser tous les gestes possibles, assure-t-elle. Si le fait que je sois connue donne plus de résonance à mes propos, c'est tant mieux. Je n'en suis pas gênée. Et je ne m'empêcherai certainement pas de parler pour ça.»

Des propos repris presque mot pour mot par Ivy. «Je suis un homme engagé qui chante, pas un chanteur engagé, dit-il. Je ne fais que dire ce que plusieurs pensent. J'accentue la pensée collective, le ras-le-bol populaire.»