Ardent défenseur des droits des gais en Afrique, le militant ougandais David Kato est décédé la semaine dernière, après avoir été battu à mort chez lui. L'affaire n'a rien d'étonnant. Dans un pays où le gouvernement songe sérieusement à punir l'homosexualité de la peine de mort, les activités de M. Kato dérangeaient. Quelques semaines plus tôt, un journal local avait carrément appelé à son lynchage.

Pour Alexis Musanganya, ce triste événement ne fait que confirmer l'importance du 3e Festival Massimadi, qui se poursuit jusqu'à dimanche dans le cadre du Mois de l'histoire des Noirs. Car cet événement culturel, consacré aux films LGBT (lesbiens, gais, bisexuels, transgenres) afro-caribéens, vise à dénoncer le drame de beaucoup d'Africains et d'Antillais qui vivent dans le placard.

«Cela peut sembler pointu, mais il y a beaucoup à dire, explique M. Musanganya, qui a fondé le festival au nom de l'organisme Arc-en-ciel d'Afrique. En Afrique, les deux tiers des pays ont criminalisé l'homosexualité. En Mauritanie et au Soudan, c'est passible de la peine de mort. D'autres sont plus silencieux, mais multiplient les actions négatives. En Afrique du Sud et au Zimbabwe, on corrige les lesbiennes avec des viols réparateurs... Et ce n'est pas tellement mieux dans les Antilles. Il n'y a qu'à voir la virulence de l'homophobie en Jamaïque et en Haïti.»

Contraction des mots gai (Massissi) et lesbienne (Madivine) en créole, Massimadi présente deux films par soir à compter d'aujourd'hui. Parmi les productions à retenir, soulignons le documentaire Une vie interdite, du Montréalais d'origine camerounaise Honoré Noumabeu (dimanche 14 h, ONF), qui s'interroge sur la perception de l'homosexualité et de la transsexualité chez les Africains québécois, en confrontant des points de vue pour le moins polarisés. Pour ceux qui s'intéressent au dur combat des militants des «droits de l'homo» en Afrique, on mentionnera aussi Kuchus of Uganda, où David Kato revivra au moyen d'un documentaire (ce soir 20 h, ONF). Côté fictions, signalons Black Aura on an Angel, un film portant sur le triple stigmate d'être femme, noire et lesbienne (vendredi 18 h, ONF), ainsi que Children of God, une production des Bahamas sur la réalité gaie dans les Caraïbes.

Cibler les blacks

Pouquoi présenter Massimadi pendant le Mois de l'histoire des Noirs, plutôt que de se greffer au Festival Image+Nation, qui se consacre précisément au cinéma LGBT? «Parce que c'est la communauté noire que je veux sensibiliser avant tout», explique M. Musanganya. Fait à noter, l'événement en est à sa troisième manifestation sans subvention, le financement étant assuré par la commandite et les cotisations des quelque 400 membres d'Arc-en-ciel d'Afrique.

Originaire du Rwanda, Alexis Musanganya a cofondé cet organisme communautaire en 2008, pour répondre à la demande d'aide sans cesse croissante des immigrants africains homosexuels. Il faut savoir qu'en raison de son niveau de tolérance notoire, le Canada - et tout particulièrement Montréal - représente une destination privilégiée pour les gais fuyant l'oppression dans leur pays d'origine. «Certains se présentent comme réfugiés, d'autres viennent pour études et en profitent pour sortir du placard», résume M. Musanganya, qui admet être lui-même venu avec cet «agenda caché».

Mais la pression reste forte, même au Québec. Car la communauté africaine est petite. Accueillis par leur famille plus ou moins immédiate, plusieurs n'ont d'autre choix que de continuer à cacher leur orientation. D'où l'importance de les aider dans leur démarche d'estime de soi et de coming out.

«C'est déjà difficile pour un Québécois, alors imaginez quelqu'un qui n'est pas né ici», conclut M. Musanganya.

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Massimadi, jusqu'au 12 février. Horaires et informations: www.arcencieldafrique.org