Entre 11 et 18 ans, Melissa Sue Anderson a été Mary Ingalls, la blonde petite fille modèle de La petite maison dans la prairie. Quand on devient l'une des vedettes de l'heure à la chaîne NBC, cela ne va pas sans une certaine pression.

Mme Anderson, qui habite aujourd'hui à Montréal, se souvient qu'à l'époque, elle se sentait plus sévèrement jugée que les acteurs adultes. «Quand un adulte trébuche sur une réplique, on lui dit que ce n'est pas grave, que c'est la nervosité. Quand la même chose arrive à un enfant, on lit dans les regards autour de soi qu'il y a remise en question, que l'on se demande si l'on n'aurait pas misé sur le mauvais gamin...»

Melissa Sue Anderson avait été choisie parmi 200 jeunes enfants triées sur le volet pour incarner Mary, cette fille de pionniers de Walnut Grove. Pourquoi elle et pas les autres ? L'audition s'était bien passée, se souvient-elle aujourd'hui. Elle était une de ces enfants que la caméra aime. Ses yeux bleus, dont l'éclat n'a pas manqué d'être mis en valeur quand son personnage est devenu aveugle, n'ont peut-être pas nui non plus, admet-elle modestement.

Même jeune, Melissa Sue Anderson n'était pas imperméable aux cotes d'écoute. «J'adorais mon travail, je voulais que ça dure longtemps et je savais que ces cotes d'écoute étaient importantes», se souvient-elle.

Impossible d'avoir une adolescence normale dans ces conditions. Ses seuls amis, c'étaient d'autres comédiens. «Quand tu t'absentes longtemps de l'école, les cliques se forment et tu n'appartiens à aucune. Parce que tu es populaire, les enfants tiennent pour acquis que tu es prétentieuse. Les enfants peuvent être vraiment méchants.»

Pendant tout le temps qu'a duré La petite maison dans la prairie, sa vie a été réglée comme du papier à musique. Par contrat, on lui interdisait de faire du ski - trop risqué - de jouer des personnages un tant soit peu rebelles dans d'autres émissions. Interdit, aussi, de se couper les cheveux ou d'être trop coquette : il fallait, jusqu'au bout des ongles, incarner l'ado typique de l'ouest des États-Unis au XIXe siècle.

«Je n'ai pu avoir de beaux ongles à l'écran qu'une seule fois, quand j'ai été en nomination aux Emmys. J'étais reconnaissante aux producteurs de me le permettre, mais c'est vrai qu'à l'écran, ça jurait pas mal!»

Melissa Sue Anderson a lâché La petite maison avant que La petite maison ne la lâche. «Quand on m'a annoncé que mon personnage devenait aveugle, je me suis dit: ça y est, ils veulent tuer mon personnage. On m'a rassurée, on m'a dit que ce n'était pas du tout le cas. De fait, pendant quelque temps, ç'a été formidable. Rapidement, cependant, on ne savait plus trop quel genre d'intrigue me donner. Quand je me suis vue dans une émission où ma présence se limitait à être la spectatrice d'un cirque, je me suis dit qu'on ne faisait par là que montrer que j'existais encore.»

Il n'y a pas eu de gros drame, assure-t-elle. Elle avait déjà, en parallèle, des rôles dans d'autres émissions. Elle a travaillé jusqu'à ce qu'elle se marie et fonde une famille. Aujourd'hui, elle achève un livre sur ses années dans La petite maison dans la prairie et rigole en voyant ses enfants visionner de temps en temps un épisode et embarquer à fond dans l'histoire en oubliant que Mary, c'est leur mère.