Le fondateur de Juste pour rire, Gilbert Rozon, n'est pas prêt à décocher de flèches en direction des Prix du Canada en arts et en créativité que le gouvernement conservateur veut créer.

L'idée du ministre du Patrimoine canadien, James Moore, de décerner des prix à des étrangers a soulevé la colère des milieux artistiques canadiens, d'autant plus que ce nouveau programme de 25 millions $ doit remplacer une aide accrue à la diffusion à l'extérieur du pays des produits culturels d'ici.

Qui plus est, la remise des prix est censée avoir lieu chaque année à Toronto. M. Moore veut ainsi faire de la Ville-Reine l'une des grandes capitales culturelles de la planète, au grand dam de Montréal.

Mais le tsar de l'humour au Québec veut en savoir davantage avant de faire entendre sa voix. Récemment revenu de voyage, Gilbert Rozon n'a pas eu le temps de s'informer autant qu'il le souhaite.

Pour l'instant, il est un peu déchiré. «Je vis une contradiction que je dois réconcilier», a-t-il dit en entrevue.

M. Rozon a d'une part souligné qu'il est de ceux qui prêchent le plus pour l'ouverture du Canada, du Québec et de Montréal sur le reste du monde. «Quand ils remettent des prix à des étrangers, je ne peux pas être contre», a-t-il admis.

Mais, d'autre part, il estime que s'il devait n'y avoir qu'une seule priorité à Ottawa comme à Québec, ce devrait être de soutenir l'exportation des créations d'ici. «On fait des fait choses fabuleuses chez nous, a-t-il fait valoir, mais elles restent chez nous. Il faut qu'elles sortent. Exportons au maximum le produit culturel.»

Avant de juger le ministre Moore et son projet, Gilbert Rozon veut le rencontrer. «C'est un jeune ministre, il vient d'arriver. On va essayer de lui donner nos opinions. Je veux donner un peu la chance au coureur.»

Les milieux artistiques québécois et canadiens sont plus durs envers le ministre Moore et ses positions. Ils estiment que les 25 millions $ qui serviront à créer le fonds de dotation alimentant les Prix du Canada auraient dû être investis dans des programmes d'exportation de la culture pour compenser les compressions de 45 millions $ effectuées l'an dernier dans divers programmes de soutien aux artistes.

Les Prix du Canada doivent récompenser annuellement une douzaine d'artistes émergents internationaux. Quatre disciplines sont visées, soit la musique, la danse, le théâtre et les arts visuels. Les premiers prix devraient être accompagnés d'un chèque de 100 000 $.