L'artiste britannique Damien Hirst a remporté son audacieux pari mardi en récoltant la somme record de 140,30 millions d'euros grâce à une vente aux enchères sans précédent à Londres de 223 de ses oeuvres, ignorant superbement la crise financière mondiale.

«Nous sommes très, très heureux», a commenté un porte-parole de Sotheby's à Londres, en annonçant le résultat final des deux journées de vente: 111,57 millions de livres, soit 198 millions de dollars. C'est presque le double de l'estimation pré-vente qui tablait sur 65 millions de livres.

Beautiful inside my head forever (Beauté dans ma tête pour toujours) est désormais la plus importante vente aux enchères consacrée à un seul artiste jamais organisée dans le monde.

Dès lundi soir, avec seulement 56 lots adjugés pour 127,25 millions de dollars, elle avait explosé le record détenu jusque-là par la cession de 88 oeuvres de Pablo Picasso en 1993, qui avait rapporté 20 millions de dollars.

«Je pense que le marché de l'art est plus vaste qu'on l'imagine. J'aime l'art et ceci prouve que je ne suis pas le seul et que l'avenir paraît radieux pour tout le monde», avait commenté lundi soir Damien Hirst, 43 ans.

Les oeuvres, toutes réalisées en 2008, ont été proposées aux enchères par Hirst sans l'intermédiaire d'une galerie, lui permettant d'économiser une commission de 40 à 50%. Du jamais vu pour Sotheby's en 264 ans d'existence.

Il devrait donc percevoir la quasi-totalité du produit de la vente puisque la commission de la maison d'enchères est payée par l'acheteur. Un pécule dont devraient également profiter ses nombreux assistants --entre 120 et 200 selon la presse-- qui opèrent dans six ateliers.

Certains critiques avaient évoqué le risque qu'en proposant autant d'oeuvres d'un coup, il allait faire baisser sa cote: mais Hirst a décroché un nouveau record pour une seule oeuvre en enchères avec le clou de la vente, «Le veau d'or».

Cette installation de 10 tonnes, estimée entre 8 et 12 millions de livres, a été emportée pour 10,3 millions de livres. L'animal est installé dans un aquarium de formol avec les sabots, les cornes et un disque posé sur son crâne, en or 18 carats. Le précédent record appartenait à «Lullaby spring», vendu en juin 2007 pour 9,65 millions de livres.

Sur le même principe, Hirst a créé «Le Royaume» (2008) qui met en scène un requin tigre. Cette oeuvre a été vendue 9,5 millions de livres, dépassant son estimation maximale de 6 millions de livres et réalisant la deuxième meilleure performance des enchères.

Cette vente a également créé l'événement car il s'agissait de la plus importante exposition d'oeuvres de Hirst jamais organisée, une «mini-rétrospective» pour reprendre son expression. Un rendez-vous d'autant plus exceptionnel qu'aucune des oeuvres n'avait été exposée jusqu'alors.

Et le public ne s'y est pas trompé. Selon Sotheby's, plus de 21 000 personnes ont visité ses locaux de New Bond street entre le 5 et le 15 septembre pour voir les oeuvres avant qu'elles ne soient disséminées.

Sotheby's avait même organisé des visites commentées en groupe et imprimé un plan, avec parcours recommandé, pour se repérer dans le labyrinthe de treize salles où étaient présentées les oeuvres.

La totalité des 700 billets de la salle de ventes avait été réservée et près de 1 300 catalogues --environ 4,8 kg l'unité-- ont été achetés (hors commandes sur Internet) pour 50 livres. Encore un record.

Depuis août 2007, Hirst est l'artiste vivant le plus cher au monde avec «For The Love Of God» («Pour l'Amour de Dieu»), copie en platine d'un crâne du 18e siècle, parsemée de 8.601 diamants. Elle a été vendue 100 millions de dollars.