Depuis neuf mois, Marie Laberge se retenait de l'annoncer. Elle l'a fait hier. Non, elle n'est pas candidate aux élections, elle ne lance pas un nouveau roman, ni une émission de télé. Elle propose plutôt à ses fidèles lecteurs de leur envoyer une série de lettres pour leur donner Des nouvelles de Martha.

Le fondement du nouveau défi que se lance Marie Laberge se trouve dans la relation particulière, presque intime, qu'elle entretient avec ses nombreux lecteurs. «Les gens sont tellement happés personnellement par mes romans, ils sentent que j'écris pour eux, ils me l'ont dit, a-t-elle raconté hier lors d'une conférence de presse au Monument-National. Je me suis dit: et si un personnage (Martha) leur écrivait vraiment, pour creuser cette intimité-là et créer un réseau unique? Toujours avec la littérature, mais épistolaire, un genre un peu ancien, mais qui demande un style, une authenticité. Avec un personnage qui parle au je, comme au théâtre.»

Pour recevoir à la maison Des nouvelles de Martha, 26 lettres de trois ou quatre pages dans des enveloppes affranchies qui seront postées toutes les deux semaines à compter de janvier 2009, il en coûtera 33 $ plus taxes. «Je prends un risque, mais je ne voulais pas que ça soit inaccessible, que le prix trop élevé empêche un gars de 18 ans de l'offrir en cadeau à sa mère à Noël», explique Marie Laberge. Chacune des lettres personnalisées (cher X, chère Y) sera envoyée dans une enveloppe adressée au lecteur abonné, et utilisera une fonte d'écriture manuscrite.

L'idée de la chose est venue à Marie Laberge des lettres et des cartes postales qu'elle envoie systématiquement à de vieux oncles ou de vieilles tantes chaque fois qu'elle part en voyage pour leur donner «un petit vent d'ailleurs». «On n'a pas idée du bien que ça leur fait», dit-elle. Aucun lien donc avec les Éditions du Boréal qui publieront son prochain roman, déjà en banque, à pareille date l'an prochain pour coïncider avec ses 20 ans d'écriture romanesque.

Qui est Martha?

Quand elle s'attaque à un roman, Marie Laberge définit son personnage en cours de route. Cette fois, elle va s'isoler pendant deux mois pour rédiger le «fond» de Martha, son monde, tout ce qui ne changera jamais malgré l'actualité. «C'est mon filet de sécurité, un personnage inventé dont je vais établir toutes les bases pour moi, dit-elle. C'est le ressort dramatique des lettres, je suis une dramaturge dans l'âme. Pendant que les gens s'abonnent, moi je vais terminer d'écrire la base de ce que je vais leur offrir en un an. Mais tout ce que je vais offrir est sujet à révision, selon l'actualité.»

Mais qui est donc cette Martha?

«Ce n'est pas une hystérique, c'est une femme assez lumineuse, mais simple, qui ne se prend vraiment pas pour une autre, et qui a des surprises dans sa vie, qui se fait barouetter de temps en temps, dit Marie Laberge. Ce n'est pas quelqu'un qui va prendre la parole publiquement, elle n'a pas un destin hors du commun.

- Ce n'est donc pas Marie Laberge?

- Jamais! Elle n'est pas énervée comme moi. Elle est passée, elle a beaucoup de bon sens. Elle est très différente de moi, je la trouve très attachante.»

Le genre épistolaire constitue évidemment un défi intéressant pour celle qui nous a habitués à des romans de plusieurs centaines de pages. «Oui, mes romans sont costauds, reconnaît-elle. Mais je n'haïs pas ça être obligée de faire court, de me ramasser.»

Pas question non plus d'envoyer les lettres de Martha aux abonnés par courriel. «Le courriel exige qu'il n'y ait pas de style, de personnalisation du rapport et encore moins d'émotion, dit-elle. C'est un texte virtuel destiné à disparaître. On peut faire des fautes dans le courriel et ça, ce n'est pas du tout Martha. Ses lettres, ce sont des écrits qui restent.»

Un site web

Marie Laberge n'est pas «une championne de l'internet». Jusqu'à tout récemment, elle faisait même appel à sa soeur pour acheminer ses courriels. Mais ces lettres de Martha ont été le déclencheur de son nouveau site web (www.marielaberge.com) dont elle est très fière. C'est sur ce site qu'on pourra s'abonner, à compter d'aujourd'hui et jusqu'au 31 décembre prochain, aux lettres de Martha; ceux qui n'ont pas l'internet à la maison pourront le faire par la poste en remplissant les coupons publiés dans La Presse et les autres quotidiens du Groupe Gesca.

«Je me suis fendue en quatre pour que ce site me ressemble, dit-elle. On va y trouver quelque chose que je n'ai pu donner à aucun journaliste, ma vision à moi de mes 33 ans de vie professionnelle, énormément de commentaires, plus de 160 photos.»

En février prochain, Marie Laberge s'exilera à nouveau pour écrire un autre roman qu'elle aura en banque lorsque sera lancé son prochain livre à l'automne 2009. Elle a aussi écrit un documentaire sur l'histoire de la fontaine de Tourny, depuis ses origines jusqu'à son déménagement à Québec l'an dernier. Ce film, dont elle sera la narratrice en plus d'avoir contribué à sa réalisation, sera diffusé par Radio-Canada.