Certains panneaux publicitaires des abribus et du métro de Montréal pourraient surprendre les passants au cours des prochaines semaines. Que cherchent-elles à vendre, ces photos spectaculaires? Un poisson avec lequel dormir? Un lit de biscuits Oréo? En fait, il n'y a rien à vendre du tout. Ce n'est que de l'art.

Réunies à la SAT (Société des arts technologiques), les 47 oeuvres photographiques de 14 artistes de pays différents formaient, mardi dernier, un ensemble cohérent autour du thème des mouvements mécaniques, inspiré par les photos d'Edward Burtynsky prises dans les usines chinoises, où les travailleurs sont cordés comme des sardines dans des bocaux industriels.

Ce bel ensemble de photos n'est resté qu'une seule soirée au local du boulevard Saint-Laurent qui fait face aux marchands de frites de la Main, au sud de la rue Sainte-Catherine. Mais on les retrouvera en pièces détachées, au cours des prochaines semaines, dans certaines stations du métro de Montréal, celle du Square Victoria surtout, et sur des abribus du centre-ville. Elles prendront la place d'espaces publicitaires invendus, grâce à une entente avec la STM et CBS (une entreprise de gestion d'espaces publicitaires). Pour les voir toutes, il faudra faire une sorte de chasse au trésor. Ensuite, elles traverseront le Canada, d'une mer à l'autre, d'un abribus à un autre, de Vancouver en Colombie-Britannique jusqu'à St. John's, Terre-Neuve.

Cette exposition intitulée Mouvements mécaniques/Try Harder, est organisée par un jeune organisme sans but lucratif, Mouvement Art public/Make Art Public dont l'ambition est de mettre l'art à la portée des gens, dans la rue ou dans le métro, non seulement à Montréal et au Canada mais aussi dans d'autres pays. Le premier pays à accueillir l'exposition sera le Mexique, cet automne.

Il est beaucoup question de surconsommation et de conformité sociale dans les photographies choisies. Outre les travailleurs chinois tous semblables qui nous inondent de produits, il y a ces petites Chinoises coiffées et vêtues de la même manière, mangeant en même temps le même repas dans une salle de classe à côté d'une autre photo montrant des écolières blanches toutes pareilles portant la même perruque blonde, les mains jointes en prière, dans une autre salle de classe (Julia Fullerton-Batten).

Ou encore des super héros comme Batman, Spider-Man, Catwoman ou Hulk qui sont en réalité des travailleurs ordinaires - laveurs de vitres ou livreurs déguisés (Dulce Pinzon). Il y a ces édifices déplacés ou ces espaces détruits par on ne sait quel cataclysme écologique (Isabelle Hayeur) et, dans le même esprit, ces gens portant des masques de plongée pour jouer aux cartes, aller chez le barbier, ou se promener dans des quartiers détruits par la guerre désormais plongés sous l'eau (Yang Yi). On y parle de solitude aussi dans cette photo de Corney Arnold où un pêcheur s'est endormi sur le pont d'un navire, en serrant un gros poisson dans ses bras et chez ces tristes collectionneurs de babioles en tous genres qui vivent seuls dans des petits espaces encombrés (les frères Sanchez).

Cette exposition aura une certaine instabilité. Si les espaces publicitaires invendus trouvent des clients, l'art devra céder la place aux marchands.

Mouvements mécaniques/Try Harder, jusqu'au 31 décembre sur les abribus du centre-ville et dans la station Square-Victoria. www.mouvementartpublic.com