Against Me! débarque au parc Jean-Drapeau demain avec la caravane punk Vans Warped Tour. Discussion avec le chanteur Tom Gabel sur l'authenticité, les mirages du succès et les Américains à l'étranger.

Joint au téléphone à Charlotte, en Caroline-du-Nord, Tom Gabel semble exténué.

«Le Warped Tour est une tournée difficile, raconte-t-il. L'heure de notre concert change chaque jour. On la connaît seulement en fin de matinée. Par exemple, on joue aujourd'hui à 3h. Ça laisse pas mal de temps à patienter au chaud dans le stationnement, avec de la musique forte partout.»

Sa fatigue, on la devine aussi par ses réponses lapidaires, souvent ponctuées par des «je ne sais pas» ou «j'imagine», et qui se terminent par un rire embarrassé.

Au Warped Tour, la musique d'Against Me! ne détonne pas trop de celle des autres groupes. Reste que son chanteur confie ne pas s'y reconnaître. Il avoue même ne pas être familier avec la plupart des quelque 75 groupes qui l'accompagnent.

«J'admets ne jamais avoir vraiment écouté ces groupes, à part Bad Religion, Rise Against (tous deux absents à Montréal) et les Bouncing Souls.» Son chant guttural et légèrement écorché se rapproche d'ailleurs un peu de celui de Greg Griffin (Bad Religion), et même, en plus doux, de celui de Russ Rankin (Good Riddance). «Mes influences proviennent autant de songwriters comme Springsteen, (Tom) Petty et Willy Nelson, que de pionniers du punk engagé comme les Clash et Crass», rappelle-t-il, toutefois.

Stop et l'autodérision

Le disque New Wave marque un virage un peu plus rock pour Against Me!, qui a assuré la première partie de la récente tournée d'aréna des Foo Fighters.

New Wave a même été sacré disque de l'année 2007 par le magazine américain Spin. Les derniers mois auront donc été très bons pour les punks floridiens.

Tom Gabel semble regarder le tout avec détachement. Presque avec cynisme. Le texte de Stop! explique un peu pourquoi. «C'est une satire de tous les clichés des aspirants musiciens, comme le goût de voyager ou d'obtenir un disque d'or. Je les énumère avant de rappeler l'importance de revoir ses priorités. Tout cela se veut très autodérisoire. Ça aide ma santé mentale.»

Cette perspective découle sûrement de ses débuts difficiles. À la fin des années 90, l'adolescent jouait du punk, seul avec sa guitare acoustique. De 20 à 50 personnes assistaient à ses concerts, se souvient-il. En interview avec un magazine américain, Gabel racontait il y a quelques années qu'il devait mendier au PFK pour manger. Mais il esquive le sujet avec nous.

«Mon expérience de vie m'a appris à ne pas me fier aux autres pour évaluer mon travail, se contente-t-il de dire. Leur jugement est volatil, il dépend de choses qu'on ne contrôle pas et, souvent, qu'on ne comprend pas.»

Against Me! est désormais sous contrat avec Sire Records, une filiale de Warner. L'annonce avait étonné en 2007. Trois années plus tôt, Gabel et sa troupe avaient refusé une offre d'un million de Universal et passaient leur temps à expliquer pourquoi. «Notre ancienne étiquette manquait de moyens pour des projets comme une tournée internationale, justifie-t-il aujourd'hui. Je ne voulais pas mourir en me demandant: et si j'avais accepté?»

Malgré tout, un certain anticorporatisme punk l'a vilipendé. Sur Up The Cuts, Against Me! répond à ces détracteurs.

Gabel a la conscience tranquille. Car peu importe qui signe ses chèques, ses positions restent les mêmes. Il continue de dénoncer une face des États-Unis qu'il connaît très bien. «Où j'ai grandi? En Floride, au Texas, en Ohio, en Pennsylvanie et en Géorgie, répond-il. Je viens d'une famille militaire. On se déplaçait d'une ville à l'autre, toujours à côté d'une base de l'armée.»

Ce passé semble l'avoir marqué. Dans Americans Abroad, il raconte ce bizarre sentiment de culpabilité qu'il a ressenti en tournée européenne. «Partout, je voyais des multinationales américaines comme Coke qui s'immisçaient dans leurs cultures. J'ai parfois peur de faire la même chose avec ma musique. J'essaie d'être respectueux des autres, mais Je ne sais pas...»

Against Me! et quelque 75 autres groupes participent au Vans Warped Tour demain au parc Jean-Drapeau. La journée commence à 12h. L'ordre de jeu des groupes est tiré au sort le matin même.