Une dynamique investisseuse de 17 ans (bientôt 18) soulève le problème de beaucoup de jeunes et moins jeunes : comment dénicher un conseiller financier compétent qui acceptera de gérer leur petit pécule ? Des conseillers nous conseillent.

Une jeune investisseuse en mal de conseiller

La jeune investisseuse a 17 ans.

« Presque 18 », précise-t-elle. On a sa fierté, tout de même.

Romane Bergeron Lévesque a soigneusement épargné l’argent gagné dans l’épicerie où elle travaille depuis l’âge de 15 ans.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Romane Bergeron Lévesque

Quand la COVID-19 a frappé, elle s’est dit que des occasions d’investissement se présenteraient.

« J’en ai parlé à mon père et je lui ai demandé s’il voudrait investir en mon nom dans des compagnies canadiennes qui étaient beaucoup touchées par la pandémie, et c’est comme ça que j’ai commencé à investir », raconte l’étudiante, qui vient d’entreprendre sa première année en commerce au collège Dawson.

Le déclencheur

Investisseur autonome même s’il « n’est pas quelqu’un qui place beaucoup à la Bourse », son père avait été le premier à éveiller son intérêt pour l’épargne et l’investissement boursier.

« J’étais quand même intéressée avant, mais ça a commencé à être plus sérieux quand il m’a offert le livre Liberté 45. »

Elle s’est alors mise à économiser « de façon assez intense » et à consommer des balados sur les finances personnelles.

« Je me suis même aventurée dans le monde de l’immobilier », confie-t-elle. Elle a investi dans l’achat d’une série vidéo de 40 heures sur l’investissement immobilier, qu’elle parcourt à petites doses, quand ses études lui en laissent le temps.

Et c’est ainsi que Romane a fait un investissement boursier qui s’exprime « en termes de milliers de dollars ».

« Ce sont des actions qui ne sont pas nécessairement alignées avec mes valeurs. »

Mon but, c’est d’investir de façon écoresponsable. C’est un plus gros défi, et c’est pourquoi je cherchais un conseiller financier ou un planificateur financier.

Romane Bergeron Lévesque

Déception

Elle a appris qu’un copain avait investi quelques dollars auprès du cabinet financier dont la mère du jeune homme était cliente. Encouragée par celle-ci, Romane a contacté la firme.

« J’appelle là-bas, et la secrétaire me revient pour me dire qu’ils ne prennent que des clients qui ont 500 000 $ à placer. »

Étonnée, la mère de son copain s’est informée à son tour, pour apprendre qu’elle-même n’avait vu la porte s’ouvrir que parce que son père était un client de longue date.

« Je suis consciente que je ne suis pas une cliente avec 500 000 $ à placer et les professionnels ont refusé de m’aider pour cette raison, ce qui est très justifiable, constate Romane Bergeron Lévesque. Je me demande donc vers qui me tourner. »

Bonne question.

Le défi de la crédibilité

« Malheureusement, les jeunes n’ont pas encore les actifs nécessaires pour faire affaire avec des professionnels de renom », soulève Stefan Kolovic, planificateur financier au cabinet BGY services financiers intégrés inc. « Cependant, il est possible d’augmenter ses chances de trouver un professionnel dans le domaine financier qui répond à nos attentes. »

Il faudra investir quelques efforts, toutefois.

« Des jeunes qui, comme Romane, s’intéressent si tôt à la finance et à l’investissement sont rares et on ne peut que la féliciter de prendre ses finances en main à ce moment de sa vie », affirme Jean-Benoît Turcotti, porte-parole du Mouvement Desjardins.

Romane souhaite avoir « des conseils de professionnels tels qu’un planificateur financier ou un conseiller financier ». Voilà déjà une bonne question : quel type de conseiller lui faut-il ?

« La fameuse appellation conseiller financier n’est pas reconnue au Québec », souligne le président du conseil de l’Institut québécois de planification financière (IQPF), Daniel Lanteigne, également planificateur et associé principal au cabinet Reverber.

PHOTO ERICK LABBÉ, ARCHIVES LE SOLEIL

Daniel Lanteigne, président du conseil de l’Institut québécois de planification financière

« Ça ne dit rien, ça ne vaut rien. Mais le planificateur financier est sûrement la personne indiquée pour aider Romane. »

On l’associe souvent à la projection d’une retraite qui, aux yeux d’un tout jeune investisseur, apparaît aussi lointaine qu’une planète décarbonée.

Mais il n’est jamais trop tôt pour partir du bon pied.

« En faisant affaire avec un planificateur financier, tu es sûr d’avoir devant toi quelqu’un qui maîtrise les sept domaines d’intervention en planification financière, donc pas juste l’aspect placement », confirme Simon Houle, gestionnaire de portefeuille adjoint et planificateur financier chez Archer gestion de patrimoine, par ailleurs secrétaire-trésorier de l’organisme ÉducÉpargne.

« Quelqu’un qui est juste bon en placement peut quelquefois faire une recommandation qui va avoir un impact négatif sur un autre domaine d’intervention. »

L’expertise du planificateur couvre également la fiscalité, la succession, la gestion des risques…

Encore faut-il le trouver…

Se faire un plan

Un jeune épargnant peut tout de même mettre quelques atouts dans son jeu.

Tout d’abord, « il doit être capable de démontrer son sérieux », énonce Stefan Kolovic, planificateur financier au cabinet BGY services financiers intégrés inc.

PHOTO FOURNIE PAR BGY SERVICES FINANCIERS INTÉGRÉS

Stefan Kolovic, planificateur financier au cabinet BGY services financiers intégrés inc.

Tout investisseur, jeune ou moins jeune, doit prendre le temps d’établir un plan sommaire de ses objectifs personnels et financiers qu’il désire réaliser sur le court, le moyen et le long terme.

Stefan Kolovic, planificateur financier au cabinet BGY services financiers intégrés inc.

Ce plan clarifiera les idées de Romane, lui permettra de mieux les exprimer et de se démarquer malgré son jeune âge. « Ce n’est pas juste pour le conseiller, c’est utile pour elle, ajoute le planificateur. Quand on écrit un plan, on a 10 fois plus de chances de le réaliser. »

Il n’est pas nécessaire de construire un programme détaillé et chiffré pour le prochain demi-siècle (bref, de faire le travail du planificateur). Il s’agit simplement d’établir son rythme d’épargne et ses principaux projets – financer ses études, se procurer une propriété, investir un jour dans l’immobilier, lancer son entreprise…

« Partez de la prémisse d’un calendrier avec un budget à côté », résume Stefan Kolovic.

La filière familiale

Il reste encore à trouver l’interlocuteur qui acceptera de discuter de ce plan.

Pour un jeune épargnant, la première avenue est celle qui mène à la porte du conseiller financier de ses parents.

« Un conseiller sera beaucoup plus enclin à vous rencontrer si c’est à la demande d’un client important ou de longue date », constate Stefan Kolovic.

Si les parents directs – père, mère, frères ou sœurs aînés – n’ont pas de recommandations à faire, notre jeune et dynamique épargnant pourra élargir le cercle aux oncles, tantes, amis de ses parents. Ou même parents de ses amis.

« Dans ce domaine, la grande majorité des références se fait par le bouche à oreille, rappelle Simon Houle. Et malheureusement, les gens qui ont un bon service avec leur conseiller ne le crient pas nécessairement sur tous les toits. Il faut donc être proactif et poser la question aux gens de son entourage : êtes-vous satisfait du conseiller que vous avez ? Si oui, est-ce que vous seriez prêt à me recommander ? »

Les jeunes attirent les jeunes

Un jeune conseiller financier souhaitera peut-être plus cultiver ses relations avec les investisseurs en herbe.

« Romane pourrait chercher un jeune planificateur financier qui offre ses services à honoraires puis qui est disposé à prendre des mandats ponctuels et à la pièce », suggère Daniel Lanteigne.

Ceux qui travaillent à honoraires sont rares, mais la piste de la jeunesse est bonne, confirme Simon Houle.

Quelqu’un qui est en train de bâtir son portefeuille de clientèle et qui cherche à établir des relations à long terme pourrait être une avenue intéressante.

Daniel Lanteigne, président du conseil de l’Institut québécois de planification financière

Une courte expérience ne rime pas nécessairement avec une maigre compétence.

« Souvent, il sera même meilleur parce qu’il va être encore plus acharné dans son travail. Quelqu’un qui commence pourrait facilement prendre un compte de 10 000 $ ou 20 000 $. »

Ne pas négliger les indépendants

Dans le même esprit, Stefan Kolovic recommande de ne pas circonscrire le champ de recherche aux grandes firmes et institutions connues ou reconnues.

« On les connaît, on sait qu’ils sont là. Mais il ne faut pas hésiter non plus à aller voir des cabinets privés, dit-il. Vous pourriez passer à côté de la perle rare. »

Mais où un jeune peut-il dénicher cette perle, quand les cabinets réputés se ferment devant lui comme des huîtres ?

À défaut de références par des parents ou connaissances, il recommande d’utiliser l’outil de recherche de l’IQPF, avec lequel on peut repérer les planificateurs qui travaillent dans un rayon de 5 ou 10 km de son code postal.

Consultez le site web de l’Institut québécois de planification financière

Vive l’indépendance !

« Idéalement, il faut quelqu’un qui est indépendant, pour éviter les conflits d’intérêts », ajoute Simon Houle.

Et comment définit-il l’indépendance ?

« C’est quelqu’un qui ne travaille pas pour le fabricant des produits financiers », énonce-t-il.

Il faudra s’en enquérir. Quels produits distribue-t-il ? De plusieurs fournisseurs ou d’un seul ?

« S’il ne fait affaire qu’avec un petit nombre de compagnies, il faut vérifier avec lui pour quelle raison et si c’est vraiment à l’avantage du client », précise de son côté Stefan Kolovic.

L’indépendance dépend également du mode de rémunération.

Les plus indépendants sont les planificateurs payés à honoraires. À l’opposé du spectre, certains conseillers touchent des commissions sur chaque produit placé.

Pour leur part, les conseillers des caisses et des banques sont généralement salariés – quoique leur progression de carrière pourrait dépendre de leur succès à vendre les produits de leur employeur.

D’autres perçoivent des frais de gestion sous la forme de pourcentage des actifs, ce qui suggère que les intérêts du conseiller et du client convergent.

« Ça favorise l’objectivité. Qu’on recommande le produit A, B ou C, c’est la même rémunération », souligne Miguel Yargeau, planificateur financier et associé chez BGY services financiers intégrés inc.

Toutefois, ce taux est généralement dégressif avec la taille des actifs du client – donc proportionnellement plus important pour les petits portefeuilles.

Il n’y a rien de parfait.

À la succursale locale ?

Pour un jeune investisseur, la solution la plus simple consiste souvent à frapper à la porte de la succursale où il détient son compte courant. Peut-il y trouver un planificateur financier ou un conseiller en placement attentif et compétent ?

« Je ne pense pas que c’est la meilleure façon de commencer », lance Simon Houle, gestionnaire de portefeuille adjoint et planificateur financier chez Archer gestion de patrimoine. « Ce n’est pas mauvais, il faut commencer quelque part, c’est certain. Mais ce n’est peut-être pas la meilleure option. »

Il sera peut-être difficile de construire une relation personnelle à long terme, alors que les conseillers en succursale changent de fonctions, montent en grade, sont transférés.

« Avec quelqu’un d’indépendant, les chances que la personne reste dans le même rôle à long terme sont meilleures », ajoute-t-il.

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Les conseillers de Desjardins sont appuyés par des experts en planification financière et en épargne et placement.

Quelque peu contraignant

Le conseiller de la succursale proposera sans doute les produits les plus accessibles de son institution. Ils ne sont pas mauvais pour autant, mais notre jeune investisseur devra sans doute s’y plier plutôt que l’inverse. « On va guider le client dans les meilleures décisions, mais avec les produits que ma banque vend ou manufacture », observe Daniel Lanteigne, planificateur et associé principal au cabinet Reverber.

Les institutions financières proposent toutes des services de planification financière, mais elles vendent d’abord des produits financiers, souligne-t-il.

Quand on consomme des produits financiers, ça peut nous donner des services à valeur ajoutée. Plus on a d’actifs, plus on est un client important pour l’institution bancaire, et plus on va nous offrir de services.

Daniel Lanteigne, planificateur et associé principal au cabinet Reverber

L’option Desjardins

Desjardins, la plus importante institution financière du Québec, s’en défend.

« Chez Desjardins, nos conseillers en finances personnelles ou nos planificateurs financiers en caisse accompagnent dans leur vie financière tous les membres qui le souhaitent en fonction des besoins, en cohérence avec le moment de vie dans lequel ils se trouvent, et ce, quelle que soit la somme dont ils disposent pour investir », assure son porte-parole, Jean-Benoît Turcotti.

Les conseillers de Desjardins sont appuyés par des experts en planification financière et en épargne et placement « afin de bien accompagner les membres qui auraient des besoins particuliers », ajoute-t-il.

Vérifions. Sur le site de la caisse Desjardins du Centre-Est de Montréal, par exemple, qui compte sept centres de service, on dénombre une cinquantaine de conseillers en finances personnelles ou en gestion de patrimoine, et trois planificateurs financiers (hormis les directeurs). Tous sont représentants en épargne collective.

Ceux qui auraient des besoins plus précis en matière de valeurs mobilières pourront s’appuyer sur un conseiller spécialisé, fait encore valoir Jean-Benoît Turcotti.

« Desjardins dispose de toute l’expertise nécessaire à cet égard à travers ses réseaux Valeurs mobilières Desjardins et Service Signature Desjardins. »

Qui fait quoi ?

Le nom rassurant mais imprécis de conseiller financier recouvre une série de spécialités qui, elles, sont reconnues et encadrées. Pour mémoire, voici les principales fonctions.

Représentant de courtier en placement de plein exercice (souvent appelé conseiller de plein exercice, ou conseiller en placement)

Il propose un vaste éventail de véhicules de placement – actions, obligations, fonds, etc. – souvent accompagné de services de conseil et de gestion.

Courtier à escompte

Il permet de faire des transactions boursières à prix réduit, généralement sur un site web et sans conseils personnalisés.

Gestionnaire de patrimoine (ou de portefeuille)

Il gère le portefeuille de son client selon le mandat que celui-ci lui confie et prend des décisions en ce sens.

Représentant en épargne collective

Il offre des fonds communs de placement.

Planificateur financier

Ce spécialiste des finances personnelles peut analyser les aspects complexes de la situation de son client. Ses champs d’intérêt incluent les placements, la fiscalité, la retraite, la succession, la gestion des risques, les finances et les aspects juridiques.

Un robot-conseiller

Une autre option s’offre à Romane, plus audacieuse, toutefois.

« Une solution qui pourrait être intéressante pour minimiser les frais et les risques pendant la constitution d’un portefeuille est le robot-conseiller, un service offert par plusieurs courtiers à escompte », suggère Paul Bourget, directeur des projets d’initiation à l’investissement Bourstad et FinÉcoLab, au CIRANO.

Sur ces plateformes d’investissement en partie automatisées, l’investisseur répond à divers questionnaires qui déterminent son profil d’investisseur, puis reçoit des suggestions de placements en conséquence.

« Je n’ai rien contre, c’est une belle façon », convient Simon Houle, gestionnaire de portefeuille adjoint et planificateur financier chez Archer gestion de patrimoine.

Les plus jeunes, souvent, vont vouloir être autonomes et sont plus à l’aise avec les technologies.

Simon Houle, gestionnaire de portefeuille adjoint et planificateur financier chez Archer gestion de patrimoine

Une jeune investisseuse informée « peut avoir un compte qui est bâti avec des fonds négociés en Bourse (FNB), qui vont suivre sa tolérance au risque, et dans lequel elle va pouvoir investir de façon mensuelle si elle le désire ».

RBC Investi-Clic

Chez RBC Investi-Clic, pour prendre cet exemple, l’argent est investi dès que le compte atteint 100 $.

La plateforme exigera des frais annuels de gestion pour ses services, de l’ordre de 0,5 %, auxquels s’ajoutent généralement les frais de gestion interne des FNB.

Les ratios de frais de gestion des portefeuilles d’investissement standard sur RBC Investi-Clic varient de 0,11 % à 0,18 %. Pour répondre aux critères de Romane, ceux des portefeuilles d’investissement responsable oscillent entre 0,19 % et 0,32 %.

« J’estime que durant les premières années de la constitution d’un portefeuille, une approche prudente est à recommander, car on est alors en moins bonne position pour encaisser un coup dur », avise cependant Paul Bourget.

L’Autorité des marchés financiers rappelle que même si les expressions robot-conseiller ou conseiller en ligne peuvent laisser l’impression que les relations sont toutes automatisées, l’organisme doit tout de même respecter ses obligations juridiques, dont celle d’« exercer ses activités par le biais d’une personne physique que l’on nomme représentant-conseil ».

Investir dans ses connaissances

En investissement, le savoir est le nerf de la guerre.

« Je recommanderais d’abord à Romane d’acquérir davantage de connaissances dans ce domaine », formule Paul Bourget, directeur des projets d’initiation à l’investissement Bourstad et FinÉcoLab, au CIRANO.

« Qu’importe son choix en ce qui concerne la gestion de ses avoirs financiers, elle augmentera la probabilité d’obtenir des résultats intéressants si elle connaît mieux les véhicules de placement et les stratégies de gestion de portefeuille. »

Pour y parvenir, il recommande de consulter le Répertoire québécois des outils d’éducation financière diffusé sur le site de l’Autorité des marchés financiers.

Consultez le Répertoire québécois des outils d’éducation financière diffusé sur le site de l’Autorité des marchés financiers

Chez Desjardins, Jean-Benoît Turcotti rappelle que Desjardins Courtage en ligne offre « un imposant calendrier de programmes de formation, de débutant à avancé ».

Consultez la programmation de ces formations gratuites

Pour sa part, Stefan Kolovic, planificateur financier au cabinet BGY services financiers intégrés inc., souligne que « l’IQPF donne accès à de nombreux articles sur les sept champs de la planification financière sur son site destiné au grand public ».

Consultez le site web de l’IQPF

Puis il lance un dernier conseil, profitable à tout âge : « Ce qui est important, c’est de lire des sources fiables. »