(Québec) Le ministre du Travail, Jean Boulet, laisse cinq ans aux associations patronales et syndicales pour qu’elles abolissent les clauses de disparité de traitement relatives aux régimes de retraite dans leurs conventions collectives, a appris La Presse. Le gouvernement ne déposera pas de projet de loi pour s’assurer que ce délai soit respecté.

Les clauses de disparité de traitement fixent des conditions de travail différentes à des employés qui font les mêmes tâches sur la base d’une date d’embauche. Interdites au Québec sur les sujets visés par une norme de travail, elles sont aussi prohibées pour les régimes de retraite et les avantages sociaux depuis l’adoption d’une loi en 2018, qui exclut celles existantes.

Lors de la dernière campagne électorale et plusieurs fois depuis, le gouvernement Legault a promis d’abolir les clauses de disparité de traitement toujours en vigueur. Plus tôt cette semaine, l’organisme Force jeunesse s’inquiétait que rien ne soit annoncé, affirmant qu’« à moins que le ministre du Travail ou le premier ministre nous sortent un lapin de leur chapeau d’ici la fin de la session parlementaire […] rien ne nous indique que ce dossier sera réglé ».

L’atteinte d’un consensus

En entrevue avec La Presse, Jean Boulet confirme avoir reçu ce printemps un avis qu’il a sollicité de la part du Comité consultatif du travail et de la main-d’œuvre (CCTM), où siègent employeurs et syndicats, et qui définit une voie consensuelle pour abolir les clauses encore présentes dans les conventions collectives.

Dans ce rapport, que La Presse a consulté, le CCTM recommande à Québec de laisser libre cours aux négociations et de faire le point d’ici 2027. Le ministre du Travail comprend pour sa part que les syndicats et le patronat se donnent « un horizon de cinq ans pour négocier l’élimination des clauses “orphelin " […] dans une optique d’équité intergénérationnelle ».

« Le [comité] soulève que la solution législative n’est pas appropriée. […] On a trouvé une avenue qui nous permet d’atteindre notre objectif par la voie consensuelle. Je suis extrêmement content de ça. Ça nous permet de respecter notre objectif d’assurer une équité entre les générations et d’éliminer graduellement les clauses de disparité de traitement [toujours en vigueur] », explique M. Boulet.

Dans la mesure où il y a un consensus, dans la mesure où tout le monde s’en va dans la même direction, les risques [d’échec] sont extrêmement minces. S’il en reste après [2027], on verra quelles mesures on doit implanter, ou quelles démarches on doit adopter, mais c’est une hypothèse que je n’ai pas en tête.

Jean Boulet, ministre du Travail

Le CCTM recommande également d’élaborer des critères d’équivalence entre les différents régimes de retraite et de prévoir une exemption pour les travailleurs prochainement admissibles à la retraite, afin d’éviter une vague de départs hâtifs.

Une voie de passage

Selon les plus récentes données de Retraite Québec citées en entrevue par le ministre du Travail, il resterait à ce jour près de 80 conventions collectives qui prévoient toujours des clauses de disparité de traitement relatives aux régimes de retraite. Dans la plupart des cas, il s’agit d’exclure les nouveaux employés (souvent les jeunes travailleurs) d’un régime de retraite à prestations déterminées, où le montant de la rente est fixé à l’avance, pour offrir à la place un régime à cotisations déterminées, où les cotisations sont fixes, mais le revenu de retraite ne l’est pas.

Pour Jean Boulet, l’adoption en décembre 2020 d’une loi permettant l’établissement de régimes à prestations cibles crée une voie de passage dans les négociations à venir pour abolir ces disparités de traitement. Le CCTM affirme également que ce type de régime « mitoyen » est une avenue possible qui assure une meilleure protection pour les participants et une cotisation prévisible pour les employeurs.