(Paris) Le géant américain des réseaux sociaux Facebook prévoit d’embaucher 10 000 personnes d’ici à cinq ans en Europe pour travailler sur le « métavers », considéré par les autres géants du web et du jeu vidéo comme le prochain grand saut technologique dans l’évolution de l’internet.

« Cet investissement est un vote de confiance dans la force de l’industrie technologique européenne et le potentiel des talents technologiques européens », ont indiqué dans un article de blogue le Britannique Nick Clegg et l’Espagnol Javier Olivan, deux des plus hauts responsables du groupe qui compte aujourd’hui plus de 63 000 salariés.

Aucun détail précis n’est donné sur les pays où seront localisés les futurs emplois ni sur le type d’emploi concerné, mais Facebook dit avoir besoin en priorité « d’ingénieurs hautement spécialisés ».

Le « métavers », contraction de méta-univers (« metaverse » en anglais), est une sorte de doublure numérique du monde physique, accessible via internet.

Grâce notamment à la réalité virtuelle et augmentée, il devrait permettre de démultiplier les interactions humaines, en les libérant des contraintes physiques, via internet.

Il pourrait par exemple offrir la possibilité de danser dans une boîte de nuit avec des personnes situées à des milliers de kilomètres, mais aussi d’acheter ou de vendre des biens ou services numériques, dont beaucoup restent encore à inventer.

« La qualité essentielle du métavers sera la présence-le sentiment de vraiment être là avec les gens », expliquait Mark Zuckerberg en juillet sur son profil Facebook.

Négociations avec l’UE

L’entreprise californienne a besoin de redorer son blason alors qu’elle est régulièrement accusée d’ignorer les impacts sociaux négatifs de ses activités.

La dernière salve est venue début octobre au Congrès américain de la lanceuse d’alerte Frances Haugen, une ancienne salariée, qui a accusé le groupe (qui comprend Instagram) de pousser les adolescents à utiliser toujours plus ses plateformes, au risque de provoquer une dépendance.

Pour Andreas Aktoudianakis, analyste au European Policy Centre, l’annonce de cette vague d’embauches offre à Facebook « un récit positif » en ces temps troublés.

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La lanceuse d’alerte Frances Haugen

Elle pourrait conférer au géant américain un certain pouvoir de négociation, dans la mesure où il cherche à influencer deux textes législatifs gigantesques sur les technologies en cours de négociation par l’Union européenne, le Digital Markets Act et le Digital Services Act.  

L’Europe offre enfin un cadre clair sur ce que les entreprises peuvent faire avec l’intelligence artificielle, indique encore M. Aktoudianakis, qui souligne l’existence d’une réglementation tout aussi stricte en matière de protection des données.

« Aucune entreprise ne possédera le métavers »

Dans leur message, Nick Clegg et Javier Olivan rendent justement un hommage appuyé au rôle joué par l’Europe dans la régulation contre les excès de l’internet.

Ils répètent par ailleurs que Facebook ne cherche pas avec le « métavers » à construire un nouvel univers fermé, à l’image de son réseau social.

« Aucune entreprise ne possédera ni n’exploitera le métavers », affirment-ils.  

« Comme internet, sa caractéristique principale sera son ouverture et son interopérabilité. Pour lui donner vie, la collaboration et la coopération seront nécessaires entre les entreprises, les développeurs, les créateurs et les décideurs politiques », estiment-ils.

« On espère que ce n’est pas que des effets de communication et qu’il y aura des garde-fous », a déclaré à l’AFP Maya Noël, directrice générale du réseau de start-up France Digitale.

Mme Noël met aussi en garde contre une concurrence accrue sur les talents en Europe, car « le premier frein à la croissance de nos membres, c’est justement le recrutement des profils qualifiés. »

Facebook est déjà l’un des leaders mondiaux de la réalité virtuelle avec son casque Oculus, issu de l’entreprise du même nom rachetée en 2014 pour 2 milliards de dollars.

Le géant américain, qui a nommé en septembre un spécialiste du « métavers » au poste de directeur technologique, n’est pas le seul à parier sur ce monde virtuel.

Epic Games, l’éditeur du jeu vidéo Fortnite, a indiqué qu’une partie du milliard de dollars levé cette année auprès d’investisseurs institutionnels, dont Sony, serait consacrée au « métavers ».

Sur Decentraland, une plateforme en ligne considérée comme l’un des précurseurs du « métavers », il est désormais possible de décrocher un job de croupier dans un casino virtuel.