Des légumes bios vendus chez Rona Major & Major dans le quartier Ahuntsic, une section d’électroménagers chez Potvin Bouchard, du Groupe BMR, à Saguenay, et un assortiment de tentes et de kayaks dans les Centres de rénovation Patrick Morin. Au-delà des outils et des matériaux de construction, beaucoup de quincailliers plus traditionnels tendent à diversifier leur offre. Une opération qui peut toutefois comporter des risques, prévient Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction (AQMAT).

Cet été, les clients qui se rendent à la quincaillerie Rona Major & Major, située dans le quartier Ahuntsic à Montréal, pour y acheter des articles de jardinage ou une perceuse peuvent aussi s’y procurer des légumes qui ont été récoltés à deux pas du commerce.

« Redonner au quartier et redonner au suivant », voilà le principe qui a guidé Jean-François Delorme, directeur de la quincaillerie, pour conclure un partenariat avec Réal Migneault, directeur de La Ferme de rue. Avec l’aide de bénévoles, l’organisme à but non lucratif cultive des fruits et des légumes bios sur les terrains du Sanctuaire Saint-Jude, situés non loin de Rona Major & Major.

Ainsi, depuis le début de l’été, La Ferme de rue vend le fruit de ses récoltes dans un stand aménagé sur le terrain de Rona et profite ainsi de l’achalandage de clients chez le marchand. Au cours des dernières semaines, ceux-ci ont donc pu notamment se procurer des rabioles, du kale, de la fleur d’ail, des radis et du navet.

« Les fruits et les légumes bios locaux n’ont même pas accès aux tablettes d’épicerie et ils se retrouvent en quincaillerie, lance fièrement M. Migneault. Ils [la quincaillerie Major] étaient très enthousiastes à l’idée de contribuer. Pour eux, c’est une façon de s’impliquer localement et même peut-être de refaire un repositionnement par rapport à leur clientèle du quartier. »

Tous les profits engrangés par la vente de ces produits vont directement à La Ferme de rue, qui souhaite pouvoir engager des gens pour travailler au sein de l’organisme.

En prenant des airs de petit marchand de légumes la fin de semaine, M. Delorme n’a pas l’impression de déroger à son modèle d’affaires.

Nous sommes un peu le magasin général de la place. On n’est pas un compétiteur [pour les autres magasins]. On est juste un commerce qui, parallèlement, appuie un projet.

Jean-François Delorme, directeur de la quincaillerie Rona Major & Major

« Entre nous, entrepreneurs du quartier, on se respecte tous mutuellement. Je ne veux pas les cannibaliser. Je ne veux pas me mettre à vendre des tartes et du pain. »

« Il ne faut pas oublier l’ADN de Rona Major, ajoute-t-il. Nous sommes une quincaillerie, un centre de rénovation. Il faut choisir ses combats et il ne faut pas trop s’éparpiller, mais plutôt faire de bons partenariats. »

Des frigos chez BMR

PHOTO FOURNIE PAR BMR

Corbeil et Groupe BMR ont lancé un projet-pilote pour que le magasin Potvin & Bouchard à Jonquière, propriété de BMR, aménage sous son toit une section réservée à Corbeil.

C’est par ailleurs en concluant un partenariat que Corbeil et Groupe BMR ont annoncé, en mars 2020, le lancement d’un projet-pilote faisant en sorte que le magasin Potvin & Bouchard à Jonquière, propriété de BMR, aménage sous son toit une section réservée à Corbeil, ses conseillers et ses électroménagers. « Au même endroit, les clients bénéficieront de la connaissance inégalée de Corbeil en électroménagers et de celle de Groupe BMR en rénovation », pouvait-on lire dans le communiqué faisant l’annonce du projet.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Pascal Houle, alors qu’il était chef de la direction du Groupe BMR

« Ce partenariat est une autre façon qu’a trouvée Groupe BMR de se démarquer de la compétition », avait déclaré Pascal Houle, qui était alors chef de la direction du Groupe BMR. Actuellement chef de l’exploitation de Sollio Groupe coopératif, il deviendra officiellement chef de la direction en septembre.

« En s’associant avec un expert du métier, on s’assure d’offrir à nos clients le meilleur service qui soit. »

BMR n’a toutefois pas l’intention d’appliquer la même formule à tous ses magasins, tient à préciser la directrice des communications, Julie Crevier.

« Ç’a vraiment été l’occasion d’aller tester une formule dans ce type de magasin de plus grande surface, indique-t-elle.

« La superficie des magasins dicte pas mal la quantité et la variété qu’on peut se permettre d’avoir. Quand tu as une petite quincaillerie dans un petit village et que ta superficie de magasin est relativement limitée, c’est clair que ma section de produits saisonniers avec mes barbecues, mes ensembles de patio et mon chlore pour la piscine va être [beaucoup moins fournie] que dans un gros magasin dans le Grand Montréal, par exemple », illustre-t-elle.

Un quai et des kayaks

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Daniel Lampron, vice-président et chef de l’exploitation des Centres de rénovation Patrick Morin

Du côté des Centres de rénovation Patrick Morin, le vice-président et chef de l’exploitation, Daniel Lampron, admet que l’entreprise cherche à se diversifier. Depuis quelques années, les consommateurs qui viennent acheter des matériaux pour construire leur quai peuvent également se procurer un kayak et des vestes de flottaison.

« C’est une tendance qu’on avait amorcée dans les dernières années. C’est surtout concentré sur les loisirs, le plein air », explique M. Lampron. Et depuis cette année, l’entreprise vend de l’équipement de camping : tentes, matelas gonflables, glacières.

Les gens vont penser que parce qu’on est une quincaillerie, on s’adresse juste aux entrepreneurs. La portion destinée aux consommateurs est très importante. Les gens aiment faire leurs travaux eux-mêmes. Ils sont donc plus présents en magasin.

Daniel Lampron, vice-président et chef de l’exploitation des Centres de rénovation Patrick Morin

« On part toujours de la prémisse qu’on est capables de donner du service sur les produits qu’on vend, tient-il toutefois à souligner. Si on élargit trop, c’est impossible d’avoir cette expertise-là. »

Et c’est justement le danger qui guette les quincailliers tentant de ratisser trop large, prévient Richard Darveau, président de l’Association québécoise de la quincaillerie et des matériaux de construction. Il invite par ailleurs les marchands à la « prudence » avant de trop se diversifier.

« Si, dans une épicerie ou dans une pharmacie, on trouve autre chose que de l’épicerie et de la pharmacie, il y a de fortes chances que l’employé ne puisse pas m’aider. »